Ode à la croissance
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La croissance a mauvaise presse aujourd’hui.
En marge de la COP15, des groupes de militants ont tenu leur propre sommet. Leur objectif : opposer environnement et économie, en remettant en cause « le système économique basé sur la croissance à tout prix ».
À la fin de leur sommet, des politiciens sérieux tels le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charrette, ont répondu ne pas être pour la décroissance, mais qu’il faudrait revoir et repenser le système économique au complet, ce qui nous en rapprocherait.
Et à la COP15 proprement dite, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a même lancé une salve allant dans le même sens, qualifiant le désir humain pour la croissance « d’arme d’extinction massive ».
On parle donc beaucoup des maux que l’on attribue à la croissance, mais ce qu’on garde sous silence, c’est ce qu’elle a rendu – et continue de rendre – possible au fil des ans. En voici donc un rappel non exhaustif, afin de nous éviter de perdre les acquis qu’elle nous a apportés.
Quand on parle de croissance, il faut bien comprendre de quoi il est question. La croissance, c’est notre enrichissement collectif. C’est l’accroissement des opportunités d’emploi, des salaires et avantages sociaux, et des biens et services auxquels on a accès.
À titre de contraste, deux trimestres consécutifs de décroissance, c’est ce qu’on appelle une récession, avec tous les impacts néfastes sur les citoyens et citoyennes que l’on connaît.
Cet enrichissement collectif nous a permis de sortir un bon paquet de monde de la pauvreté. Entre 1990 et 2019 – la dernière année pour laquelle des données définitives sont disponibles –, c’est en moyenne 130 000 êtres humains par jour qui sortaient de l’extrême pauvreté.
De fait, depuis 2017, moins de 10 pour cent de la population mondiale vit dans une situation d’extrême pauvreté –, et ce malgré le recul que nous avons connu durant la pandémie. L’extrême pauvreté est présentement dans un creux sans précédent dans l’histoire humaine.
Bien qu’il y ait encore du chemin à faire, et que l’on ne devrait pas se satisfaire d’une situation où environ une personne sur 10 vit dans la pauvreté la plus abjecte, il est important de reconnaître les gains que nous avons été en mesure de faire grâce à la croissance. Après tout, il y a 200 ans, c’était plutôt 79 pour cent de l’humanité qui était dans cette situation.
La croissance, c’est aussi ce qui nous a permis de donner tort aux malthusiens, ces gens qui croient qu’inévitablement, on atteindra un moment où il y aura trop d’êtres humains sur Terre.
En 1968, le biologiste Paul Ehrlich publiait The Population Bomb. La thèse de son livre était que, dès les années 1970, l’humanité entrerait dans un épisode de famine sans précédent à cause de la croissance de la population et de l’incapacité de la planète à nous nourrir.
Cet accroissement anticipé de la mortalité ne s’est tout simplement pas concrétisé. D’une moyenne globale de 50 morts par 100 000 habitants dans les années 1960, les décès attribuables à la famine ont fondu, passant à 8,4 morts par 100 000 habitants dans les années 1970.
Entre 2010 et 2016, ce taux avait diminué encore davantage, se portant plutôt à 0,5 décès par 100 000 habitants, malgré une population mondiale plus de deux fois supérieure à celle de 1968.
Ce qu’Ehrlich avait sous-estimé à l’époque, c’était le potentiel infini du génie humain pour trouver des solutions, s’adapter, et faire croître la production agricole.
Pour la production de céréales par exemple, on a réussi à accroître la productivité agricole de près de 140 pour cent depuis 1968, si bien qu’on produit 2,5 fois plus de céréales aujourd’hui qu’à la parution de ce livre, en utilisant sensiblement la même superficie agricole.
Et la même chose s’observe pour toutes sortes d’autres types de production agricole, ce qui explique la diminution rapide des morts attribuables à la famine, malgré une population qui croît à vitesse grand V.
Loin d’être la menace que l’on nous présente, la croissance a le plus souvent été une source de solutions pour les problèmes auxquels l’humanité doit faire face. Et quoi qu’en disent les apôtres de la décroissance – cet appauvrissement organisé – un monde plus riche et plus prospère, c’est aussi un monde meilleur.
Célia Pinto Moreira is a Public Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are her own.