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Les vagues de chaleur, la croissance et le climat

Les vagues de chaleur sont meurtrières. Selon le GIEC, la fréquence, l’intensité et la durée de celles-ci augmentent avec le réchauffement climatique. Cependant, la mortalité qu’elles provoquent ne cesse de diminuer grâce à la croissance économique et au progrès technologique, un fait rarement évoqué lorsque le sujet est soulevé. Pourtant, ses implications sont très importantes.

Pour illustrer le phénomène, prenons la vague de chaleur de l’été 1936 — la pire depuis 1895 selon les données de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).

Au creux de la Grande Dépression, cette vague de chaleur a affecté une grande partie des États-Unis et de l’Ontario. Chez nos voisins américains, 5000 décès ont été directement imputés à la chaleur extrême.

Cela représente 39 morts par million d’habitants, et il s’agit d’une estimation très prudente puisqu’elle n’inclut pas les décès liés aux complications des vagues de chaleur. Elle ne prend pas en compte non plus la qualité plus faible des statistiques de l’état civil avant 1940 aux États-Unis.

Prenons donc le nombre de 39 morts par million comme une estimation prudente. À titre de comparaison, le taux de mortalité au cours des cinq plus grandes vagues de chaleur aux États-Unis depuis 1979 a fluctué entre 0,86 et 2,87 décès par million d’habitants. Or, si ces vagues de chaleur avaient été aussi intenses que celles de 1936 et que les décès étaient survenus en proportion équivalente, les taux auraient varié entre 3,49 et 14,21 morts par million.

Bref, toutes proportions gardées, la mortalité engendrée par ces récentes vagues de chaleur a chuté d’entre 64 et 91 % depuis 1936. Il s’agit là de gains phénoménaux.

Et cette tendance semble se confirmer au sein d’autres pays. Qui plus est, les gains semblent être particulièrement importants lorsque les revenus augmentent dans les pays les plus pauvres.

Paradoxe étrange

Il est important de reconnaître — selon une étude parue dans Nature Climate Change — qu’environ 37 % des décès liés à la chaleur entre 1991 et 2018 seraient attribuables aux effets de l’être humain sur le climat.

Il faut donc comprendre que si le réchauffement climatique est présenté comme un « vent de front », il contrebalance en fait un autre « vent » qui nous pousse dans le dos, celui de la croissance économique et du progrès technologique.

C’est ici qu’émerge un paradoxe étrange que peu de gens soulignent.

La croissance économique augmente nos revenus et notre résilience face aux caprices de la nature (le vent de dos). Elle augmente aussi, selon les modèles climatiques, le réchauffement climatique (le vent de front). Or, en somme, les deux vents proviennent de la même source.

Ce paradoxe en dit beaucoup.

Ceux qui soulignent les décès lors des vagues de chaleur comme motivation à la lutte contre le réchauffement climatique proposent souvent des mesures qui réduisent la croissance économique. Voyant cela comme une quête absolue, ils ne réalisent pas qu’en proposant de réduire les coûts de la croissance, ils en réduisent aussi involontairement les bénéfices. En ne tenant pas compte de cette codétermination, il est tout à fait possible que les politiques proposées augmentent les décès.

Moins spectaculaires, mais supérieures

En tenant compte de cette codétermination cependant, on réalise qu’il faut trouver des mesures qui ne ralentissent pas le développement économique tout en réduisant ses externalités potentielles, par exemple celles liées aux gaz à effet de serre.

Cela peut inclure l’élimination des barrières à l’innovation technologique, la cessation des subventions à certaines pratiques industrielles ou industries, la réintroduction du péage sur les routes, etc. Toutes ces mesures ont en commun qu’elles s’attaquent uniquement aux externalités de la croissance économique, sans réduire ses bénéfices.

Malheureusement, avec les discours alarmistes qu’on entend sans cesse — et qui ressurgissent encore plus fort lors de la présente vague de chaleur, on a tendance à oublier ces mesures moins spectaculaires parmi l’ensemble des politiques proposées. Néanmoins, cela n’enlève rien à leur supériorité puisqu’elles sont plus susceptibles d’améliorer le bien-être humain et la qualité de l’environnement.

Après tout, on ne perd rien à garder la tête froide, même durant une vague de chaleur.

Vincent Geloso is Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

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