Taxation mondiale des grandes sociétés : injuste et contreproductive
Impulsé par le G7 et l’OCDE, l’idée d’une taxation minimum des grandes entreprises a été acceptée par 130 gouvernements. Même des dirigeants de certains GAFAM, comme Jeff Bezos, semblent y être favorables alors que leurs entreprises seraient concernées. En effet, l’accord prévoit que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros seraient imposées au minimum à 15 % dans les pays participants.
On pourrait penser que ce système ne touchant que les grandes multinationales, cette taxation serait inoffensive. Néanmoins, une analyse plus en profondeur démontre une posture beaucoup plus hypocrite, une situation de plus révélatrice d’une tendance inquiétante visant à faire des entreprises un bouc émissaire.
Les gouvernements des pays riches renforcent leur contrôle au niveau global
Plusieurs aspects montrent que cet accord a été fait sur mesure par certains pays riches.
Tout d’abord, et comme l’indique le projet :
Les entités publiques, organisations internationales, organisations à but non lucratif, fonds de pension ou fonds d’investissement ne sont pas concernés par ces règles.
Les gouvernements et entités internationales se sont bien gardés d’être concernés par les mesures qu’ils imposent.
De plus, un certain nombre d’États ayant un impôt sur les sociétés faibles sont souvent des petits pays avec un PIB peu élevé : comme l’Irlande avec un taux à 12 % qui était, il y a 10 ans, l’un des pays pauvres de l’Union européenne et qui a pu se relever grâce, entre autres, à une faible imposition des sociétés. Même phénomène avec la Hongrie et son taux à 8 %.
Une fiscalité avantageuse était pour eux un moyen d’attirer des entreprises et donc de développer leur économie. L’Assureur Allianz a calculé que cela pourrait coûter 2 points de croissance potentielle à l’Irlande et 1,7 point à la Hongrie. En les empêchant de descendre au-dessous du seuil de 15 %, les grandes puissances à l’origine de cet accord pénalisent les autres pays.
D’autant plus que l’on peut se demander si ces premières sont les mieux placées pour critiquer les paradis fiscaux. Faut-il rappeler que la plupart de ces pays possèdent des territoires qui sont qualifiables de la sorte ? Les États-Unis avec le Delaware, la France avec Andorre qui a pour coprince le président de la République française, la Chine avec Macao et Hong Kong ou le Royaume-Uni avec les nombreuses îles sous souveraineté de la Couronne.
Compte tenu que l’accord laisse une large liberté aux États pour le mettre en œuvre, nul doute que les États sus-cités vont l’adapter pour ne pas être pénalisés. Un accord profondément inégalitaire qui va profiter aux pays riches au détriment d’autres plus pauvres. Ironique pour une disposition présentée au nom de l’équité et de justice.
À bien des égards, cet accord est davantage une posture médiatique et politique utilisant les multinationales comme boucs émissaires dans un contexte de crise économique et de hausse des dépenses publiques. Néanmoins, le discours sous-jacent est néfaste.
Un souhait de plus en plus fort de contrôler le secteur privé
Le problème de cette taxe mondiale ne constitue pas seulement l’attaque contre les grandes entreprises multinationales. C’est aussi et surtout l’idée que le secteur privé doit payer pour la crise. Un des arguments de ceux qui sont en faveur de cette taxation est de faire payer les entreprises ayant profité de la crise pour s’enrichir.
Mais les géants numériques ont pris de l’ampleur grâce aux restrictions gouvernementales imposées sur les commerces « physiques », éliminant de fait une grande partie de leur concurrence.
Enfin, l’idée d’augmenter la taxation pour sortir de la crise économique devrait alerter tout le monde. Certes, cette taxe affectera directement les grandes entreprises mais rien ne dit que demain le reste de la population ne sera pas concernée directement ou indirectement par une hausse ou de nouvelles taxations.
De plus, une augmentation de l’impôt sur les sociétés va pousser ces dernières à compenser leurs pertes par moins d’investissement et/ou moins de recrutements : deux éléments pourtant vitaux pour une reprise rapide de l’économie.
Alexandre Massaux est chercheur associé à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.