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Québec doit se doter d’un comité permanent de révision des dépenses

Point montrant l’importance de revenir à l’équilibre budgétaire aussitôt que possible en contrôlant les dépenses

Le retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme est nécessaire et il doit passer par le contrôle des dépenses gouvernementales. Une façon d’y arriver consiste à mettre en place un comité permanent de révision des dépenses comme l’a fait le gouvernement fédéral suite à la crise financière de 2008-2009, montre cette publication.

En lien avec cette publication

Quebec needs an expenditure review committee (Montreal Gazette, 4 février 2021)

L’IEDM veut un comité permanent de révision des dépenses (Finance et Investissement, 8 février 2021)

Reportage avec Miguel Ouellette (NVL, Noovo, 4 février 2021)

 

Ce Point a été préparé par Miguel Ouellette, directeur des opérations et économiste à l’IEDM. La Collection Fiscalité de l’IEDM vise à mettre en lumière les politiques fiscales des gouvernements et à analyser leurs effets sur la croissance économique et le niveau de vie des citoyens.

Au cours des derniers mois, les différents paliers de gouvernement ont dû dépenser des sommes astronomiques. Le gouvernement du Québec n’a pas été épargné, le déficit projeté de 15 milliards $ pour l’exercice fiscal en cours atteignant un sommet historique(1). Bien que ce déficit s’explique par la nécessité de mettre en place des mesures pour contrer les effets de la pandémie sur l’économie et la société québécoise, il demeure nécessaire de le résorber aussitôt que possible. Continuer de s’endetter à un rythme semblable après la pandémie pourrait compromettre la santé de nos finances publiques et faire porter un lourd fardeau sur les épaules des prochaines générations.​

Objectif : déficit zéro

Quand l’État vit selon ses moyens, il assure la pérennité des services publics payés par les contribuables. La cible du déficit zéro donne justement des repères au gouvernement lorsqu’il évalue la possibilité d’effectuer une nouvelle dépense : si cette limite n’existait pas, aucune dépense ne semblerait superflue. La direction claire que procure l’objectif du déficit zéro tend également à créer un sentiment de confiance au sein du milieu des affaires, ce qui contribue à attirer et à sécuriser des investissements privés et ainsi à stimuler la croissance économique dont le Québec a besoin.

Heureusement, le gouvernement provincial actuel a exprimé son désir de renouer avec l’équilibre budgétaire en cinq ans, comme le prévoit la Loi sur la réduction de la dette(2). Grâce à sa gestion prudente des finances publiques avant la pandémie, le Québec est en mesure de rétablir un solde budgétaire sain, sans devoir recourir à des mesures d’austérité.

Le déficit structurel qu’il faut combler pour retrouver l’équilibre budgétaire (c’est-à-dire celui qui ne tient pas compte de l’impact de la conjoncture économique sur la situation des finances publiques) est beaucoup moins élevé que le déficit total et se situe entre 5,5 milliards et 7,0 milliards de dollars(3). En d’autres mots, quand la croissance ralentit temporairement, les impôts rentrent moins et les dépenses tendent à augmenter, et donc le déficit global gonfle sans que structurellement la situation financière du pays se soit forcément dégradée. Cependant, quand le déficit structurel grimpe, c’est qu’il y a un manque à gagner permanent qui doit être adressé, comme nous le voyons présentement, puisqu’il existe désormais une tendance durable à ce que les recettes soient inférieures aux dépenses si rien n’est fait.

Augmentation des impôts ou contrôle des dépenses?

Une fois l’importance de revenir à l’équilibre budgétaire bien établie, on doit déterminer quelle option devrait être prisée pour y arriver : doit-on contrôler les dépenses ou plutôt augmenter les impôts?

Le fardeau de l’impôt sur le revenu des contribuables québécois est déjà à un niveau qui surpasse celui de toutes les autres provinces du pays, mis à part la Nouvelle-Écosse(4). De plus, si l’on tient compte de l’ensemble des recettes fiscales perçues par tous les paliers gouvernementaux, le Québec revendique le titre de la province affichant le taux de pression fiscale (38,9 %) le plus élevé au Canada(5) (voir la Figure 1). Et comparé aux membres de l’OCDE, le Québec a un taux supérieur à 27 pays sur 37(6). Augmenter davantage le poids de la fiscalité au Québec minerait davantage sa compétitivité et pourrait ralentir la croissance économique dont nous avons besoin pour maintenir et améliorer notre niveau de vie.

Du côté des dépenses, le Québec se classe parmi les provinces canadiennes qui ont les dépenses de programmes les plus élevées, correspondant à 22,2 % de son PIB en 2018-2019, alors que la moyenne canadienne était de 18,6 %(7).

Bien que ces données datent d’avant la pandémie, un constat demeure : le Québec taxe et dépense bien au-delà de la moyenne canadienne. Or, rien n’indique que les services dispensés par le gouvernement du Québec soient d’une qualité justifiant des dépenses plus élevées que dans les autres provinces.

Par exemple, le taux de diplomation des élèves québécois du secondaire après sept ans est le plus faible au Canada(8), alors que les dépenses par élève n’ont pas cessé d’augmenter au fil des ans(9). Il est certainement possible de croire que les dépenses du gouvernement du Québec sont parfois mal priorisées ou allouées de manière peu efficace. Le retour à l’équilibre budgétaire doit donc passer par un contrôle des dépenses.

L’exemple du gouvernement Harper

Alors que le Québec tente de renouer avec l’équilibre budgétaire, il ferait bien de s’inspirer du plan de réduction du déficit mis en place par le gouvernement fédéral de Stephen Harper à la sortie de la crise économique mondiale de 2008-2009(10).

Un comité piloté par le Conseil du trésor a été mis en place à l’époque avec une cible claire de réduction des dépenses : chaque ministère devait présenter des propositions visant à réaliser des économies d’entre 5 % et 10 % à inclure dans le budget de l’exercice suivant(11). Ce comité engageait donc les différents ministères à accroître l’efficience de leurs programmes, ce qui permettait de meilleurs rendements par dollar dépensé. De plus, en établissant une cible d’économie à réaliser dans chaque ministère ou organisme, il devenait plus facile de comparer et d’évaluer le mérite de chacune des propositions.

Au bout du compte, ce comité a généré des économies récurrentes de plus de 5 milliards $ et a contribué de manière significative à la capacité du gouvernement à équilibrer le budget(12). D’ailleurs, 70 % de ces économies provenaient de réductions dans les dépenses opérationnelles, et non pas des programmes et services eux-mêmes(13).

En fait, dans le cadre d’un tel exercice, il est souvent préférable de cibler de façon prioritaire les économies pouvant être réalisées dans les processus administratifs plutôt que dans les réductions de services rendus aux citoyens. Évidemment, les mesures d’aide temporaires instaurées pendant la pandémie devront également être abolies lorsqu’elles ne seront plus nécessaires.

La dernière année a été pénible tant pour les citoyens du Québec que pour nos entreprises et le déficit budgétaire record du gouvernement provincial était inévitable. Afin de garantir notre santé économique à plus long terme, il est toutefois nécessaire de mettre en place un comité permanent de révisions des dépenses pour que le Québec renoue avec l’équilibre budgétaire aussitôt que possible.

Références

  1. Gouvernement du Québec, Le point sur la situation économique et financière du Québec, Finances Québec, novembre 2020, p. A.21.
  2. Ibid., p. A.25.
  3. Ibid., p. A.20.
  4. Tommy Gagné-Dubé, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, Bilan de la fiscalité au Québec – Édition 2021, Université de Sherbrooke, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, 2021, p. 39.
  5. Ibid., p. 27.
  6. Idem.
  7. Michaël Robert-Angers et Luc Godbout, Panorama des finances publiques du Québec − Édition 2020 – Pré-Covid, Université de Sherbrooke, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, juin 2020, p. 28.
  8. Statistiques Canada, Indicateurs de l’éducation au Canada : une perspective internationale, Tableau A.2.1 : Taux d’obtention du diplôme d’études secondaires, utilisant la méthode de la «vraie-cohorte», selon le sexe, Canada, provinces et territoires, 2013-2014 à 2015-2016, 2018.
  9. Miguel Ouellette et Luc Vallée, « Éducation : contenir les dépenses tout en améliorant la qualité des services », IEDM, Point, août 2019, p. 1.
  10. Le gouvernement libéral de Jean Chrétien avait aussi opté pour un mécanisme de comité de révision des dépenses dans les années 1990.
  11. Rachel Curran, « Returning to balanced budgets requires a careful game plan », Options politiques, 27 août 2019.
  12. Idem.
  13. Rachel Curran, « Why Trudeau needs to embrace expenditure reviews », Options politiques, 4 juillet 2016.
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