Outillons les aidants naturels pour permettre aux aînés de rester à la maison
Dès 2030, 25 % de la population québécoise sera âgée de 65 ans ou plus. Aujourd’hui, cette proportion est de 21 %, et déjà la pression sur les résidences publiques de soins de longue durée (CHSLD) du Québec devient trop lourde à gérer.
Cette réalité nous a frappé lors de la première vague de la pandémie, quand les décès dus au COVID-19 étaient surreprésentés dans ces établissements. Toutefois, même avant la pandémie, une évaluation des autorités sanitaires entre 2015 et 2017 a révélé que les conditions de vie dans 11,5 % des CHSLD publics étaient «préoccupantes», alors que seulement 17,6 % étaient jugées «tout à fait adéquates». Les autres (71 %) étaient simplement «acceptables». Mais que ce soit inquiétant, acceptable ou tout à fait adéquat, vieillir en institution n’est tout simplement pas ce qu’espèrent la plupart des personnes âgées de la province. Au contraire, 71 % des Québécois souhaitent demeurer à leur domicile à 75 ans et plus.
Efficacité
La province devrait donc bâtir un système de soins à domicile qui corresponde aux désirs de la population et qui réponde aux besoins des personnes âgées du Québec. Pour que cela se fasse de manière efficace et responsable sur le plan financier, la province doit repenser sa dépendance historique envers les CHSLD, notamment en termes d’allocation des ressources financières. En d’autres termes, une plus grande proportion du budget total pour les soins aux personnes âgées doit être consacrée aux soins à domicile plutôt qu’aux institutions.
En 2019-2020, seulement 22 % du budget du Programme québécois de soutien à l’autonomie des aînés (SAPA) était consacré aux services de maintien à domicile, alors que les personnes âgées hébergées en CHSLD accaparaient 63,6 % des fonds. Cette répartition est presque exactement inversement proportionnelle à la répartition des personnes âgées soignées : environ 20 % en CHSLD et 75 % à domicile.
Une partie des fonds qui seraient libérés grâce à la transition vers un système privilégiant les soins à domicile devraient alors être redirigée vers un programme de formation pour les proches aidants. Ceci est d’autant plus important que les aidants naturels, dont le nombre est estimé à 1,5 million au Québec, assurent jusqu’à 75 % des soins requis à domicile pour leurs proches âgés.
Compte tenu du temps qu’ils consacrent à aider les personnes dans le besoin, il est impératif que les aidants naturels aient accès à une formation adéquate afin de prodiguer des soins sécuritaires et efficaces à leurs proches. Une gamme de services pourrait être offerte dans le cadre du programme de formation, y compris de l’aide pour naviguer dans les nombreux crédits d’impôt existants au Québec, en veillant à ce que les aidants naturels et les personnes dont ils s’occupent reçoivent les ressources financières disponibles. Pour qu’il soit complet, le programme devrait également comporter un préposé aux bénéficiaires ou une infirmière montrant à un soignant comment effectuer en toute sécurité des tâches telles que changer des pansements, changer les draps d’un lit avec un minimum d’effort physique, etc.
Pour avoir les meilleures chances de succès, le gouvernement doit laisser aux organisations existantes le soin de concevoir, d’administrer et de mettre en œuvre le programme. Le rôle du gouvernement se limiterait alors au soutien financier et à la sensibilisation. L’objectif ultime serait de retarder ou d’éviter d’avoir à institutionnaliser les personnes âgées en raison du manque de savoir-faire des soignants.
De plus, les entrepreneurs de la province doivent avoir la possibilité de développer de nouvelles technologies pour faciliter l’autonomie des personnes âgées au sein de leur domicile. La situation actuelle est caractérisée par des barrières réglementaires et une bureaucratie lourde, de sorte que les nouveaux produits n’atteignent pas les personnes qui en ont besoin en temps opportun. De même, le réseau de soins à domicile lui-même doit adopter plus rapidement les technologies d’aujourd’hui et rattraper le reste du monde industrialisé.
Dépendance
En créant un programme de formation pour les proches aidants et en facilitant l’innovation au sein du réseau de soins à domicile, un plus grand nombre d’aînés pourront profiter des avantages de demeurer chez eux à mesure qu’ils vieillissent. Pour les personnes atteintes de démence, par exemple, vivre dans un environnement familier et préserver leur autonomie peut contribuer à leur sentiment de bien-être et de qualité de vie. De plus, le coût des soins à domicile est généralement facturé à l’heure, ce qui permet une plus grande flexibilité dans les plans de paiement.
Le Québec doit renoncer à sa dépendance à l’institutionnalisation. Moyennant quelques ajustements importants, il peut plutôt offrir à de nombreux aînés la possibilité de vieillir chez eux avec l’aide de leurs proches aidants, qui auront été dotés des outils nécessaires pour prendre soin de leurs proches.
Maria Lily Shaw est chercheuse associée à l’IEDM et l’auteure de « Passer ses belles années à la maison: développer les services de maintien à domicile au Québec ». Elle signe ce texte à titre personnel.