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Textes d'opinion

L’assurance duplicative, outil de protection du droit à la santé

Plus de 159 000 Québécois et Québécoises attendent une intervention chirurgicale en ce moment. Le tiers d’entre eux attendent depuis plus de six mois.

Pour ces personnes, chaque jour de plus passé sur une liste d’attente, c’est 24 heures de plus à avoir mal aux genoux, à avoir de la douleur en marchant, à risquer que leur état se détériore, etc.

On connaît ces gens : ce sont nos amis, nos voisins, nos collègues et nos parents.

L’attente est leur seule option, à moins qu’ils n’aient assez d’argent pour aller à l’étranger ou payer comptant pour une clinique privée.

Malheureusement, cette dernière option ne peut leur être offerte par une police d’assurance non plus : au Canada, si un soin est couvert par le régime gouvernemental d’assurance maladie, vous ne trouverez pas d’assurance privée couvrant ces mêmes soins.

Pourtant, ce n’est pas la norme pour les pays qui ont des systèmes d’assurance universelle. Au Royaume-Uni, en Suède et en Australie, pour ne nommer que quelques exemples, un marché existe pour une assurance médicale dite duplicative, qui donne un accès aux options de traitement privé, même si ces traitements sont couverts par le système gouvernemental.

Double avantage

L’avantage est double : ces polices d’assurance permettent aux assurés d’éviter de languir sur les listes d’attente de leur système de soins gouvernemental et réduisent la pression sur le système public local. Les citoyens semblent satisfaits. En Australie, par exemple, presque une personne sur deux dispose d’un tel régime. Cela permet donc à une bonne partie de la classe moyenne d’accéder à une autre option de soins dans le secteur privé, lorsque le public ne répond pas à la demande. Le taux de satisfaction pour ces régimes est de 73,7 %, selon un sondage effectué en 2020 auprès de plus de 25 000 Australiens. À titre de comparaison, un sondage récent indiquait qu’ici, 49 % des gens sont insatisfaits de notre système de santé.

Si l’assurance duplicative n’est pas offerte ici, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de marché ou de demande. C’est plutôt qu’un ensemble de lois font en sorte qu’il n’est pas intéressant pour un assureur de lancer un tel produit. En ce moment, seules quatre provinces canadiennes permettent à de tels régimes d’assurance d’exister : la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador.

Ce qu’elles ont en commun, c’est qu’elles n’ont vraisemblablement pas une population assez grosse pour qu’il en vaille le coût pour les assureurs de développer des produits spécifiques à ces régions. La plus populeuse, la Saskatchewan, compte 1,2 million d’habitants. C’est à peu près autant que la région métropolitaine d’Ottawa, si l’on omet la ville de Gatineau.

À cela s’ajoutent des restrictions quant à la facturation, et l’interdiction de la pratique mixte, qui font en sorte que le marché peine à se développer.

Au Québec, l’assurance maladie duplicative n’a été autorisée que pour trois interventions bien spécifiques à la suite de la décision Chaoulli. Pour toutes les autres interventions, la loi interdit formellement l’assurance duplicative.

Sans surprise, un marché de l’assurance ne s’est pas développé pour l’arthroplastie-prothèse totale de la hanche ou du genou, ou pour l’extraction de la cataracte avec implantation d’une lentille intraoculaire. Les interventions sont trop spécifiques, trop limitées, pour qu’une masse critique de la population choisisse de s’assurer. Les cinq autres provinces ne se sont pas compliqué la vie : elles interdisent formellement la vente de ces assurances.

Résultat : pour la vaste majorité des Canadiens, la seule option de soins est de languir sur les listes d’attente devenues caractéristiques de notre système de santé. Mais comme le notait l’ex-juge en chef de la Cour suprême Beverly McLachlin, « l’accès à une liste d’attente n’est pas l’accès à des soins de santé ».

Pour 159 000 de nos compatriotes, cette inaccessibilité des soins n’est pas théorique non plus. Ils la vivent quotidiennement dans l’attente d’une opération. Il y a fort à parier que bon nombre d’entre eux opteraient pour se faire soigner au privé si une assurance levait les barrières financières.

Si attendre n’est jamais agréable, c’est encore pire quand on a mal.

La meilleure chose que le gouvernement du Québec pourrait faire pour les aider serait de leur offrir d’autres options, comme l’assurance duplicative, pour qu’ils puissent accéder aux soins dont ils ont besoin.

Maria Lily Shaw est chercheuse associée à l’IEDM et l’auteure de « Lever l’interdiction touchant l’assurance maladie privée duplicative au Québec ». Elle signe ce texte à titre personnel.

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