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Textes d'opinion

Doit-on sourire à l’idée d’un programme gouvernemental de soins dentaires?

L’un des éléments du dernier budget fédéral ayant fait couler le plus d’encre est définitivement le nouveau programme visant l’élargissement de la couverture publique des soins dentaires. En effet, la santé buccodentaire étant de compétence provinciale, l’annonce de ce programme soulève plusieurs questions quant à son application à l’échelle du pays. Et ce, sans compter les débats sur sa nécessité et sur les coûts qui seront engendrés!

Élargir l’accessibilité aux soins dentaires est une cause que nous pouvons tous soutenir, surtout si l’on considère que 27% de la population québécoise voit les prix comme un obstacle à l’obtention de tels soins. Mais la situation ne s’améliorera pas si les fonds sont utilisés de manière inefficace. Afin de mettre toutes les chances de notre côté, je profite de cette chronique pour exposer quelques pistes de solutions afin de maximiser la probabilité que ce futur programme gouvernemental soit une réussite.

D’abord, pour la santé de nos finances publiques, si le gouvernement fédéral souhaite mettre en place un programme de dépenses permanent comme celui-ci, il doit, en contrepartie, réduire ses dépenses ailleurs d’au moins un montant équivalent. Il serait insensé de ne pas tenir compte de la pression supplémentaire d’un tel programme sur les familles canadiennes, déjà lourdement imposées. Après tout, avec la dette fédérale dépassant maintenant les 1300 milliards et la routine de déficits, nul besoin de vous convaincre de la nécessité de remettre de l’ordre dans la maison!

Ensuite, le gouvernement fédéral doit laisser aux provinces la liberté d’organiser la prestation des soins dentaires et la répartition des fonds reçus, non seulement parce que les soins de santé sont une responsabilité de compétence provinciale, mais aussi parce que les provinces sont les mieux placées pour répondre aux besoins de leur population en ajustant le programme selon différentes caractéristiques leur étant propres. Cette saine concurrence juridictionnelle est d’ailleurs un élément clé d’une fédération en santé comme la nôtre. Autrement dit, le fait que le financement provient du gouvernement fédéral ne doit pas enlever aux provinces la capacité d’innover dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs programmes publics.

S’inspirer du Québec

À ce propos, l’élaboration du plan de couverture pour les soins dentaires devrait s’inspirer du régime d’assurance-médicaments en vigueur au Québec. Plus précisément, cela impliquerait que le gouvernement couvre les coûts, ou une partie des coûts, sans viser à interdire les assurances duplicatives privées. En effet, ceux qui ont déjà un bon régime d’assurance dentaire, comme c’est le cas de près des deux tiers des Canadiens, souvent par l’intermédiaire de leur employeur, ne devraient pas être obligés de l’abandonner au profit d’un régime gouvernemental. De cette manière, tout comme pour la couverture de base des médicaments sur ordonnance, toute la population aurait une forme d’assurance dentaire de base, sans pour autant miner le libre-choix des consommateurs à choisir une assurance privée répondant davantage à leurs besoins.

Il convient aussi de mentionner que l’amélioration de l’accessibilité aux soins dentaires peut être obtenue par des mesures qui n’impliquent pas d’augmenter les dépenses de l’État. L’introduction de politiques publiques qui augmentent plutôt l’efficacité peut également conduire à un meilleur accès à ces services. Un exemple concret: la politique ayant accordé l’autonomie aux hygiénistes dentaires en 2020 en leur permettant de travailler dans leur propre clinique sans la supervision d’un dentiste. L’esprit entrepreneurial a donc été encouragé, et le coût d’un nettoyage de routine peut être réduit, ce qui améliore l’accessibilité aux traitements préventifs. Optimiser les mesures en place et envisagées doit être exploré avant de recourir à une hausse des dépenses.

Au bout du compte, il faut à tout prix éviter la nationalisation des soins dentaires, et plutôt proposer une couverture qui cible la population qui a le plus besoin d’assistance. La création d’un monopole d’État entraînerait les mêmes problèmes que nous observons dans le système de santé québécois d’aujourd’hui — c’est-à-dire de longues listes d’attente, une bureaucratie hypertrophiée et une dilapidation des fonds publics —, choses qui ne contribueront certainement pas à améliorer l’accessibilité à des soins si importants.

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe cette chronique à titre personnel.

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