Budget provincial: les contribuables, grands perdants?
Le gouvernement du Québec a présenté cette semaine son budget pour l’exercice 2022-2023. Si Lucky Luke tirait plus vite que son ombre, il semble que les partis d’opposition et plusieurs groupes de pression aient pris exemple sur lui en réagissant sans hésiter dès les premiers mots du discours du ministre Girard.
Trop peu en éducation, pas assez en logements sociaux, on oublie les travailleurs gouvernementaux, on balaie du revers de la main les propriétaires d’entreprises, bref, l’histoire se répète à chaque dépôt de budget: on offre un buffet de dépenses qui semble laisser une multitude de groupes sur leur faim.
Toutefois, s’il faut se rappeler d’une chose, c’est qu’à force de permettre à tous les groupes organisés ayant un intérêt pécuniaire dans un budget dépensier de tirer sur la couverture, les contribuables se retrouvent les fesses à l’air.
Mettons le pied sur le frein
Si l’on exclut les mesures extraordinaires de soutien liées à la COVID-19, les dépenses de portefeuilles grimperont de 4,9% pour 2022-2023, atteignant un sommet historique de 127,8 milliards de dollars (G$). Pendant ce temps, les revenus de l’État augmenteront d’un maigre 2,2%.
En fait, sur un horizon de 5 ans, il est estimé que les dépenses croîtront de 3,4% alors que les revenus connaîtront une croissance d’à peine 2,9%. Investiriez-vous dans une entreprise où les dépenses augmentent constamment à un rythme supérieur aux revenus? Moi, non!
Au Québec, au fil des années, un mythe semble s’être établi voulant qu’en jetant de l’argent sur un problème, ce dernier se résolve comme par magie. Prenons l’exemple du système de santé de la province. Nous dépensons présentement plus de 51G$ par année et ferons passer ce faramineux montant à près de 57G$ d’ici 2024. Et ces dépenses ont plus que doublé depuis 2004. Pourtant, un peu plus de 20% de la population n’a pas accès à un médecin de famille, et le temps d’attente moyen au Québec pour y avoir accès est d’environ 599 jours.
Malgré le constat factuel que de puiser davantage dans les poches des contribuables ne règle pas les problèmes de fonds — et qu’il faudrait plutôt impliquer davantage d’entrepreneurs dans la gestion de nos services publics —, nous ajoutons des dépenses de 8,9G$ pour les cinq prochaines années en santé. Et cela, c’est seulement pour ce portefeuille ministériel! Le gouvernement doit réellement mettre le pied sur la pédale de frein et se doter d’une stratégie à moyen et à long terme avant que les dépenses surpassent les revenus pour de bon.
Il faut toutefois noter les efforts du ministre des finances actuel pour renouer avec l’équilibre budgétaire, malgré les hausses successives des dépenses. En fait, en excluant les versements au fonds des générations, nous devrions être en situation d’équilibre budgétaire ou de petit surplus dès l’exercice 2023-2024. Cependant, si l’équilibre budgétaire est une bonne nouvelle, l’État québécois doit tâcher de faire croître ses dépenses proportionnellement aux revenus pour assurer la pérennité de la croissance économique à long terme.
Augmentons les revenus intelligemment
Si on pouvait atteindre l’équilibre budgétaire chaque année en augmentant tout simplement les impôts des entreprises et des particuliers, ce serait une grave erreur de procéder ainsi. N’oublions pas que les baisses d’impôts pour entreprises au sud de la frontière ont nui à notre compétitivité sur le plan fiscal dans les dernières années, et que les contribuables québécois figurent parmi les plus imposés de l’OCDE. Voudrions-nous réellement rendre plus coûteux la production et le travail?
À la place, l’État québécois devrait faire davantage d’efforts pour créer un cadre réglementaire et fiscal propice à l’attraction de nouveaux investissements privés afin de faire croître ses revenus. En attirant de nouveaux projets d’envergure, le Québec générera non seulement davantage de retombées fiscales, mais favorisera une vigueur bénéfique sur les marchés pour les consommateurs.
Qui plus est, les projets de recherche et développement qui feront accroître la productivité des travailleurs, et donc leurs revenus et les impôts prélevés, devraient être dans la mire du gouvernement. Il suffit de regarder les mesures en place qui nuisent à la venue de ces projets, ou aux investissements des entreprises déjà présentes au Québec, et viser à les réduire ou à les éliminer.
Malheureusement, on propose trop souvent des budgets myopes sur le plan économique, oubliant la croissance économique nécessaire à long terme afin d’améliorer notre niveau de vie. Si nos gouvernements successifs souhaitent réellement être la voix de la population, qu’ils ralentissent la hausse des dépenses gouvernementales et qu’ils favorisent l’augmentation des revenus de manière saine et bénéfique. Les contribuables doivent cesser d’être les grands perdants.
Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe cette chronique à titre personnel.