Le bon, la brute et le 301
Chantal Racette, la présidente du syndicat des cols bleus de Montréal, le réputé local 301 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), n’aime pas la dissidence.
En avril dernier, qualifiant le local 301 de « dictature », une dizaine de cols bleus de la Ville de Montréal ont créé un syndicat indépendant avec l’objectif de rallier une majorité des quelque 6500 de leurs collègues. La tâche est immense. Patrick Roy, l’initiateur du mouvement, est conscient que la partie est loin d’être gagnée.
Cette semaine, Mme Racette, dans une lettre adressée aux membres du syndicat qu’elle dirige, a averti ceux-ci qu’ils pouvaient faire l’objet de « sanctions » s’ils sympathisaient avec l’initiative, voire être exclus du syndicat. Cela signifie essentiellement de perdre son droit de vote tout en continuant de payer des cotisations syndicales. La lettre, au ton intimidant, encourage aussi la dénonciation des collègues qui prôneraient un changement d’allégeance.
Heureusement, dans la même lettre, Mme Racette prend la peine de préciser que « le local 301 a toujours prôné la démocratie et la liberté d’expression ». Une chance!
Quel est le crime de M. Roy? En plus d’avoir créé un syndicat concurrent. Patrick Roy avait déjà démontré son indépendance d’esprit. Alors qu’il occupait des fonctions au sein du local 301, il avait défendu, contre l’avis des dirigeants du syndicat, un membre qui se disait lésé. Le membre en question a remporté sa cause contre son propre syndicat devant la Commission des relations du travail. Patrick Roy, lui, a été banni du syndicat.
Il y a une façon toute simple d’éviter le départ de ses membres. Par exemple, faire en sorte qu’ils se sentent tous représentés, et accepter des compromis. Mais Mme Racette ne s’embarrasse pas de considérations accessoires comme la démocratie syndicale. Après avoir été désavouée par une majorité de membres votants en décembre dernier, elle a organisé un nouveau vote quelques semaines plus tard, qui ne respectait pas les statuts du syndicat.
Amener le syndicalisme au XXIe siècle
Afin de limiter les tendances dictatoriales de Chantal Racette et de ses émules, trois réformes s’imposent minimalement afin de moderniser le syndicalisme québécois pour que celui-ci soit vraiment au service des travailleurs, et non l’inverse.
La première est que le vote sur l’accréditation syndicale se fasse par un scrutin secret en bonne et due forme, et non par la signature de cartes, un procédé d’un autre siècle qui encourage la persistance d’une culture d’intimidation. En 2017, des travailleurs devraient pouvoir choisir en toute liberté leur mode de représentation, sans aucune forme de pression.
La seconde réforme est que certains votes importants, comme les votes de grèves, soient ouverts à tous les employés syndiqués – et pas seulement ceux présents dans des assemblées surchauffées, pour ne pas dire « paquetées » –, et que ce scrutin soit secret. Bref, encore ici, qu’on passe au XXIe siècle.
La troisième réforme serait d’abolir la formule Rand, qui oblige le prélèvement des cotisations syndicales, que le travailleur soit membre ou non du syndicat. Ce serait la moindre des choses de ne pas payer si on ne veut pas être représenté – la liberté d’association va dans les deux sens –, à plus forte raison si c’est le syndicat qui nous exclut!
Les travailleurs ont tout à fait le droit de choisir leur mode de représentation. Il est plus que temps qu’on leur donne des outils modernes pour le faire. Les syndicats réellement démocratiques et respectueux de leurs membres n’ont rien à craindre. Les gros bras, eux, devront changer leurs façons de faire s’ils veulent survivre. Les travailleurs syndiqués seront les premiers à en profiter.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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