Une manif qui rate la cible
Ce mercredi 15 mars, le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) va se réunir à la place Valois, un des symboles phares de « l’embourgeoisement » dans le quartier Hochelaga Maisonneuve. Est-ce que cette manif sera une façon pour eux de passer un message contre la revitalisation du quartier plus que contre la soi-disant brutalité policière? Est-ce que le COBP va s’en prendre aux commerçants de proximité qui sont en train de renverser le déclin économique de ce quartier?
Est-ce que le Collectif va aller aussi loin qu’intimider la population par des actes de violence pour faire avancer leur cause? Si c’est le cas, ce serait d’une bêtise sans commune mesure.
Mais soyons lucides, la casse dans « HoMa » est malheureusement monnaie courante. En 2016, plus de vingt commerces différents ont été visés par du vandalisme, dont cinq en une seule nuit, en novembre dernier.
Les victimes de cette vague de vandalisme étaient des petits commerces comme Montréal Moderne, Galerie Showroom Montréal, Du Design, Du Retro et du Kitsh et le restaurant Les Affamés.
Plus récemment, l’Anticafé Montréal a été vandalisé, tout comme Mon Gym Privé, qui lui a été victime de vandalisme cinq fois en quatre mois. Oui, vous avez bien lu, cinq fois en quatre mois. Il faut quand même avoir la couenne entrepreneuriale pas mal dure pour ne pas sacrer son camp du quartier !
Répétons-le encore une fois : la gentrification (ou l’embourgeoisement) est un phénomène souhaitable. C’est un processus où l’on voit des familles de la classe moyenne, des jeunes professionnels et des jeunes entrepreneurs s’installer dans des quartiers populaires.
C’est un phénomène répandu qui se produit dans toutes les grandes villes et qui entraine des résultats bénéfiques pour tout le monde, y compris les plus démunis. Plusieurs études l’ont montré : les bénéfices à long terme sont la croissance de la diversité et la mixité sociale. La gentrification mène à plus d’opportunités d’emploi, tout en renversant le déclin économique et social d’un quartier.
À l’opposé, quand on laisse un quartier dépérir, le désinvestissement et l’abandon des logements et des commerces mènent à des déplacements de population beaucoup plus importants que la gentrification. Et c’est sans parler de la violence et de la dégradation des services de proximité, comme les épiceries.
L’exemple d’Ariane St-Pierre-Cyr, raconté dans un reportage de La Presse+ l’été dernier, est une parfaite illustration de ce déclin. Le local loué par cette entrepreneure en vêtements pour enfants dans la rue Sainte-Catherine était abandonné depuis sept ans, tout comme plusieurs locaux aux alentours.
La gentrification ramène les gens, les familles et les jeunes entrepreneurs. Elle améliore la sécurité et la vie de quartier, les infrastructures, bonifie l’offre de logement et permet aux citoyens d’avoir plus de services et davantage de commerces de proximité. On observe aussi, de façon générale, une augmentation du capital social, c’est-à-dire un accroissement des connaissances, du savoir et des compétences, ce qui permet à beaucoup de citoyens de grimper dans l’échelle socio-économique, tout en réduisant les inégalités. (Nous avons fait d’ailleurs une publication à ce sujet.)
Pendant les années 1980, plusieurs entreprises ont déménagé ou fermé, la population a diminué et ceux qui sont restés se sont retrouvés coincés dans un cycle de pauvreté. Aujourd’hui, la tendance se renverse. Et ça, ça ne plaît pas à nos anarchistes en culottes courtes, qui semblent préférer vivre dans un quartier pauvre et en déclin que dans un quartier florissant en croissance.
Tenter d’empêcher un phénomène bénéfique pour tous est au mieux malavisé, au pire carrément stupide. La meilleure façon pour le gouvernement d’encadrer le phénomène est de s’assurer qu’il y a des solutions de rechange abordables pour loger les gens. Et pour ça, il faut de bonnes politiques publiques, comme avoir des règles de zonage qui ne sont pas trop restrictives pour la construction de logement, notamment pour la conversion des vieux bâtiments, la hauteur des logements et l’usage des terrains.
Espérons que ce mercredi, les choses se passent calmement et qu’aucun commerce ne devienne la cible de vandales. Sinon, la seule chose que le COBP prouvera, c’est qu’il n’a aucunement les intérêts du quartier à cœur.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.