Postes Canada : cessons de tourner autour du pot
On le sait depuis longtemps que Postes Canada est malade. La Société d’État est même rendue à un stade avancée de la maladie. Différents traitements lui ont été administrés afin d’améliorer son état de santé, mais force est de constater qu’aujourd’hui, elle a besoin d’un traitement choc pour se sortir de ce gouffre financier dans lequel elle s’enfonce, un peu plus, chaque jour.
Le groupe de travail, mandaté par Ottawa pour établir un diagnostic complet des problèmes, admet que Postes Canada n’est plus rentable et qu’il faut absolument mettre fin à cette spirale des coûts.
Selon la firme comptable Ernst Young, si le modèle actuel est maintenu, cela entraînera des pertes annuelles de plus de 700 millions d’ici 10 ans. On sait aussi que les volumes de courrier ont fléchi en moyenne de 5,5 % par année entre 2011 et 2015, soit une diminution d’environ 175 millions $ de revenus annuels.
Ben alors ? On n’attend quoi pour « tirer la plug » ? Pour privatiser cette institution ? Il est là le traitement choc ! Pas un mot sur la privatisation dans la série de recommandations avancées par le comité de travail.
Le groupe propose plutôt de réduire les jours de livraison, d’éliminer complètement le service porte-à-porte, d’adopter une approche utilisateur-payeur (faire payer plus cher les usagers en fonction de la distance de livraison), et bien sûr, une hausse des tarifs. Sachez que le prix du timbre a augmenté de 44% depuis 10 ans.
Bref, on brasse les ingrédients sans vraiment changer de recette.
Mais ce ne sont pas seulement les façons de faire au sein de ce monopole qu’il faut changer. C’est le monopole lui-même ! Il est là le cœur du problème. Où sont les recommandations visant à insuffler une concurrence dans ce marché ? À libéraliser l’offre en brisant le monopole de Postes Canada ? À privatiser, comme l’ont fait plusieurs pays d’Europe avec succès ?
Le monopole sur la distribution de lettres a été abandonné par un grand nombre de pays européens faisant face à des défis semblables à ceux de Postes Canada. Certains ont ouvert le marché des services postaux à la concurrence, alors que d’autres ont privatisé leur société d'État, ce qui a permis, à long terme, une diminution marquée des tarifs (jusqu'à 17 % en Allemagne).
Ce sont des modèles qui produisent des résultats contrairement à celui de Postes Canada qui a continuellement de la difficulté à maîtriser ses coûts et augmenter sa productivité. Et si je me fie aux recommandations du groupe de travail, l’agonie ne fera que se prolonger.
En fait, la suite est facile à prévoir. Ce sont les consommateurs qui vont payer de plus en plus cher pour un moins bon service, jusqu’à ce que les finances de cette société de la couronne se portent mieux.
C’est ce qui arrivera si on maintient en place le monopole de Postes Canada. Les incitations du marché et de la concurrence étant absentes, ce sont les consommateurs, dont beaucoup d'entreprises, qui se verront refiler la facture sans égard à leur satisfaction quant au service.
Ottawa doit cesser de tourner autour du pot. Il doit mettre fin à l’anachronisme que représente un monopole de la livraison de courrier et ouvrir le marché à la concurrence.
Pascale Déry est conseillère principale, communications, département des actualités, à l'IEDM. Elle signe ce texte à titre personnel.