La mauvaise comédie de la cimenterie Port-Daniel
La construction de la cimenterie de Port-Daniel, une idée du gouvernement de Pauline Marois relancée et appuyée par la suite par celui de Philippe Couillard, s'avère jusqu'ici un fiasco économique financé par les contribuables. La Caisse de dépôt et placement a dû récemment voler au secours de l'entreprise, aux prises avec des dépassements de coût de 450 millions $, en injectant 125 millions $ supplémentaires dans l'aventure.
Rappelons que les Québécois sont en partie propriétaires de Ciment McInnis à la suite de deux investissements de 100 millions chacun de la part de la Caisse et d'Investissement Québec, et d'un prêt de 250 millions d'Investissement Québec. La cimenterie bénéficiera aussi de tarifs d'électricité avantageux d'Hydro-Québec, une fois en opération. C'est le cas de le dire, le contribuable contribue à tenir en vie cette entreprise « privée ».
C'est une habitude au Québec. Les contribuables sont forcés de financer un mégaprojet qui risque bien de tourner au vinaigre. Espérons seulement que cette cimenterie ne soit pas un nouveau stade olympique, qui avait finalement coûté 10 fois le coût estimé initial…
Il y a un autre aspect du dossier qui fait me tiquer. On a l'impression que c'est depuis le début essentiellement un projet de politiciens pour acheter des votes en région. Une nouvelle cimenterie, alors qu'il y a déjà des cimenteries au Québec et qu'elles ne fonctionnent même pas à pleine capacité. Un autre exemple de la culture de l'interventionnisme au Québec, où le gouvernement croit qu'il a la responsabilité de « créer » des emplois coûte que coûte.
Oh, j'oubliais, il y a aussi la question environnementale. Et là, on se croirait dans une mauvaise comédie. Le gouvernement fait la leçon environnementale à tout le monde, veut empêcher le développement des ressources gazières au Québec, se vante d'être plus vert que le Géant Vert, mais encourage un projet des plus polluants. La cimenterie devrait à elle seule faire augmenter de 10 % les émissions de GES du secteur industriel québécois. Et en même temps, pour des raisons « écologiques », on va peut-être imposer des quotas de voitures électriques aux concessionnaires automobiles, ce qui va faire grimper le prix de toutes les voitures mais ne changera pratiquement rien à notre bilan de GES. Allez comprendre! Dans la catégorie des mauvais films, celui-là est pas mal bon!
Je veux bien croire que le projet fera travailler des gens. On parle de 200 emplois directs et 200 autres emplois indirects. Il reste qu'avec des investissements publics de plus d'un demi-milliard, ça commence à faire cher la job.
En fait, c'est assez difficile de trouver du bon à ce projet. C'est plutôt l'exemple parfait de ce qu'il ne faut pas faire au gouvernement.
Si le but premier était de créer de l'emploi, il me semble que ça aurait pu être plus simple. Laisser plus d'argent dans les poches des gens en diminuant leurs taxes et impôts, libérer les entrepreneurs de la paperasse et de la réglementation, et mettre en place un climat d'investissement accueillant et prévisible. Avec cette recette vous en verrez pousser des projets. Et ils coûteront pas mal moins cher aux contribuables.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.