Services policiers : comment en faire plus, à moindre coût
Les gouvernements, notamment les municipalités, cherchent désespérément, depuis plusieurs années, des solutions pour équilibrer leurs budgets. « Il faut faire plus avec moins », entend-on parfois. Or, cette phrase peut parfois n’être qu’un slogan un peu creux. Mais il existe des domaines où c’est justement possible de faire plus avec moins. Ou à tout le moins, faire plus avec une enveloppe budgétaire stable ou en faible croissance.
Un exemple : les services de sécurité publique. Malgré une baisse du taux de criminalité, les dépenses policières ont presque doublé au Canada depuis 25 ans. Rappelons qu’une fois pris en compte le salaire, les avantages sociaux et les taxes sur la masse salariale, la rémunération globale d’un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s’élève en moyenne à près de 120 000 $ par année, contre environ 40 000 $ pour un agent de sécurité privé au Québec.
Dans ce contexte, il est complètement illogique de submerger l’emploi du temps des policiers avec des tâches qui ne devraient logiquement pas être de leur ressort. En effet, environ 40 % du temps des policiers patrouilleurs est consacré aux tâches administratives, selon une étude réalisée en Colombie-Britannique. Principalement pour rédiger des rapports. Alors, pourquoi ne pas recentrer le travail des policiers sur leurs fonctions essentielles et recourir à d’autres catégories de personnel pour les tâches auxiliaires ou administratives?
Des municipalités le font d’ailleurs déjà. Certains corps policiers – notamment à Lévis – font maintenant appel aux agents du privé pour la vérification des antécédents judiciaires des simples citoyens, notamment les gens qui veulent adopter un enfant ou obtenir un visa pour un voyage à l'étranger. Mais les Villes pourraient aller encore beaucoup plus loin en ce sens, et réaliser plus d’économies, et ce sans pour autant compromettre la sécurité des gens, ou éliminer des emplois existants pour les policiers en poste.
Prenons un exemple concret afin d’illustrer mon propos : imaginez un barrage routier à Montréal qui vise à épingler les conducteurs aux facultés affaiblies. Un tel barrage nécessite normalement la présence de huit policiers, selon les pratiques usuellement utilisées. Dans un scénario où les tâches auxiliaires seraient imparties au privé, et où six des huit intervenants seraient des agents de sécurité, le coût passerait de 4994 $ à 2332 $, soit une économie de plus de 50 %. Les agents de sécurité administreraient le test (c'est-à-dire la « balloune »), et seulement les conducteurs l’ayant échoué seraient référés aux deux policiers présents sur place qui, eux, procèderaient à l’arrestation du conducteur fautif, ou à toute autre intervention policière jugée requise selon les circonstances.
L’exemple que je donne n’est d’ailleurs absolument pas de la science-fiction. C’est ainsi que l’on procède, notamment, dans certains pays scandinaves. Bref, tout ceci se fait dans un contexte syndiqué et où le syndicat policier en place ne se livre pas à de l’obstruction systématique face à ce type de solutions.
À plus long terme, ces économies brutes pourraient se transformer en économies nettes pour le contribuable en permettant de limiter les nouvelles embauches de policiers.
D’autres exemples? Les villes canadiennes pourraient s’inspirer de Londres, où un policier n’est envoyé sur les lieux d’un cambriolage que si les cambrioleurs sont toujours présents ou suspectés d’y être. Sinon, c’est un agent de sécurité qui se déplace pour accomplir les tâches qui ne relèvent pas des fonctions essentielles de la police, à savoir prendre le rapport voulu auprès des propriétaires éplorés.
Dans le comté de Lincolnshire en Grande-Bretagne, une société de sécurité privée a pris en charge la quasi-totalité des activités auxiliaires. Elle gère elle-même les postes de police depuis 2012 et a excédé tous les objectifs d’économies, en même temps que la criminalité diminuait par ailleurs de 14 %. Bref, il est parfaitement possible d’économiser de l’argent tout en améliorant la qualité et l’impact des services de sécurité publique.
Il s’agit là des « meilleures pratiques » dans le domaine, appliquées dans des pays qui ont su tirer avantage d’une telle approche. Et, répétons-le : de telles réformes ne remettent aucunement en question la sécurité des gens. On ne parle pas non plus de remplacer le travail d’un policier, mais plutôt de le compléter. Tout en lui laissant plus de temps pour des tâches qui correspondent davantage à ses fonctions essentielles, lesquelles sont également plus valorisantes sur le plan psychologique. En effet, presque tous les gens qui deviennent policiers ne le font pas dans le but de devenir des « pousseux » de crayons, mais plutôt pour servir, et pour combattre la criminalité.
Un autre exemple : pourquoi diable un policier, qu’on paie en partie pour ses performances élevées au chapitre de la psychologie sociale et de la force physique, doit-il être immobilisé pour passer en revue les images des radars photo et y confirmer les excès de vitesse? Un civil avec la formation appropriée peut accomplir cette tâche à moindre coût.
Nul doute que les syndicats, ici, s’opposeraient initialement à ce type de réforme. Mais il y aurait sûrement moyen, notamment par l’attrition, de mettre en place ces changements graduellement tout en respectant le principe contractuel de sécurité d’emploi.
En somme de faire plus – ou tout autant – avec moins.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.