Leçon d’économie suédoise
Quand la crise financière a éclaté à l’automne 2008, plusieurs pays ont adopté de coûteux plans de relance dans l’espoir d’écourter et d’adoucir les tribulations économiques qui se dessinaient. Que de pareilles politiques aient prouvé par le passé leur inutilité et leurs effets pervers importait peu à la classe politique, qui se plaisait à insister sur la gravité du phénomène et sur la nécessité d’agir promptement. Nos élus, à Ottawa comme à Québec, n’ont pas fait exception.
L’inévitable s’est alors produit. Pratiquement partout où elles ont été mises en place, ces mesures ont occasionné d’importants déficits et une croissance rapide de la dette, y compris chez nous. Le moment est maintenant venu de payer la facture pour le délire keynésien de gouvernements plus soucieux d’acheter l’admiration immédiate de l’électorat que de prendre les décisions économiquement saines pour nous et pour les générations futures.
À l’échelle provinciale, le contribuable passera bientôt à la caisse alors que la TVQ augmentera d’un point de pourcentage en janvier 2011, puis une seconde fois en janvier 2012. À l’échelle fédérale, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, annonçait il y a quelques jours que le gouvernement devra hausser les impôts s’il compte atteindre son objectif de déficit zéro d’ici 2015.
Même si le fardeau fiscal des Québécois est déjà particulièrement lourd, gare à celui qui oserait contester le fait que l’État s’empare d’une portion croissante de ses revenus. Pour faire taire l’hérétique, on citera l’exemple de la Suède, la social-démocratie vénérée de tous les défenseurs de l’État-providence.
Il est vrai que les résultats économiques récents de la Suède sont remarquables et qu’on peut tirer des leçons inspirantes de l’exemple suédois… mais pas celles qu’espère la gauche bien pensante.
En fait, discrètement mais sûrement, la Suède a pris un virage à droite. D’abord, il y a eu la vague de déréglementation dans les années 1990 (télécommunications, électricité, transport aérien), l’allégement du fardeau fiscal, l’abolition de monopoles d’État, la privatisation partielle du régime de retraite public, etc. Puis, en 2006, les Suédois ont élu un gouvernement de centre droit. Aussitôt en poste, le nouveau premier ministre, Fredrik Reinfeldt, a réduit les impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises, aboli l’impôt sur la richesse, et privatisé divers actifs gouvernementaux. Le 19 septembre dernier, Reinfeldt a été réélu pour un second mandat.
Le plus intéressant est toutefois son attitude face à la crise. Certes, à l’instar de ses homologues européens, Reinfeldt a adopté un plan de relance, mais le sien est plutôt original. En dépit des critiques, le premier ministre a consacré les deux tiers de l’effort de relance à l’allégement du fardeau fiscal des particuliers, pour un montant de 8 milliards d’euros. Il a aussi réduit l’impôt des entreprises de 28% à 26,3%. Pour 2010, on prévoit que la Suède enregistrera une croissance économique de 4,8%, soit la meilleure de l’Union européenne, et son taux de chômage est tombé à 7,4%. Dans le plus récent rapport sur la compétitivité dans le monde réalisé par le Forum économique mondial, la Suède s’est hissée au 2e rang, juste après la Suisse.
Pour le gouvernement suédois, l’équation est simple: moins on taxe les revenus, plus les gens travaillent, et mieux l’économie se porte. Fredrik Reinfeldt a prouvé que cette relation fonctionne, ce qui n’est pas surprenant puisqu’il s’agit du gros bon sens. En revanche, nos élus semblent ne pas avoir reçu le mémo. Ils ont pourtant bien besoin d’une petite leçon d’économie suédoise!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.