Postes Canada: de l’air frais S.V.P.!
En réponse à une controverse récente sur l’attribution de contrats de lobbyisme, une représentante de Postes Canada déclarait que cet organisme «ne fonctionne pas comme les autres ministères puisque, en principe, elle est une corporation commerciale de la Couronne, […] une société autosuffisante et compétitive» Si tel est le cas, pourquoi maintenir un monopole public sur la livraison de courrier?
Le projet de loi C-14, dont il est possible que l’étude reprenne prochainement à Ottawa, pourrait ouvrir une petite brèche dans ce monopole. S’il est adopté, il fera en sorte d’abolir le privilège exclusif de Postes Canada dans la transmission de lettres à l’étranger.
Ce changement reste néanmoins timide. Pourquoi ne pas aller plus loin et remettre en question la totalité du monopole de Postes Canada? La société d’État elle-même ne semble pas nécessairement s’y opposer. Dans une lettre d’opinion publiée au début de janvier (National Post, 10 janvier 2008), sa présidente Moya Greene déclarait que «si la distribution du courrier était soumise à la concurrence, nous répondrions aussi à ce défi – à condition de recevoir les moyens et la même liberté que les autres de concurrencer dans nos marchés».
Des expériences positives
D’autres pays, dont le Japon, la Suède, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande et l’Allemagne, ont réussi à réformer leurs monopoles postaux avec succès, tout en continuant à offrir des services partout sur le territoire. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a soumis l’ensemble des services de la société publique des postes à la concurrence. Il a requis qu’elle maintienne son service postal universel, sans toutefois conserver l’uniformité des prix. Au Japon, le gouvernement a mis sur pied un fonds pour éponger les déficits des bureaux postaux régionaux. Dans tous les cas, on a noté une amélioration de la productivité et de la qualité des services.
D’ici 2011, tous les services postaux des pays de l’Union européenne seront d’ailleurs entièrement ouverts à la concurrence. Cette décision prise l’année dernière signifie que le dernier secteur encore réservé aux anciens monopoles publics, c’est-à-dire les lettres «non express» de moins de 50 grammes, disparaîtra bientôt.
À l’ère d’internet et du téléphone sans fil, la poste traditionnelle n’est plus un service essentiel, comme elle pouvait l’être au XIXe siècle. On devrait aussi cesser de la voir comme un apanage de la souveraineté nationale et laisser ces préoccupations symboliques aux collectionneurs de timbres. Ces anachronismes ne devraient plus servir de prétexte pour bloquer une modernisation et une libéralisation plus poussée des services postaux.
La poste n’est en fait qu’un service comme les autres, pour lequel les consommateurs, y compris ceux des régions rurales, devraient payer un prix réaliste, fixé par les conditions du marché. Si, pour des raisons politiques, le gouvernement souhaitait continuer pendant un certain temps de subventionner le service dans ces régions, il pourrait le faire de façon plus ciblée.
Les compagnies privées de services postaux pourraient également devoir contribuer à un fonds pour financer le maintien de services à coût raisonnable en région. À l’ère de l’omniprésence des ordinateurs et des cellulaires, les consommateurs devraient avoir autant de choix de fournisseurs lorsqu’ils désirent poster une lettre que quand ils se servent de ces nouvelles technologies.
Mathieu Laberge est économiste à l’Institut économique de Montréal.