Fédéralisme ou souveraineté, là n’est pas la question!
Les débats se suivent et se ressemblent! J’espérais voir un candidat se démarquer par ses idées novatrices et briller par un discours annonciateur de grands changements. Je souhaitais surtout que l’un d’eux propose enfin des mesures concrètes et éprouvées pour assurer la prospérité du Québec.
Au lieu de cela, les électeurs québécois ont eu droit à un combat de coqs entrecoupé «d’enchères électorales». Sur les questions de la santé, de l’éducation, des familles ou de l’environnement, c’était à celui qui injecterait le plus d’argent.
Variation sur le même modèle
Le constat est donc inévitable: les trois grands partis proposent une variation sur le même modèle, le «modèle québécois». Ils partagent tous la même philosophie, seules les mesures envisagées diffèrent. Ils nous proposent chacun sa version « nouvelle et améliorée » du modèle québécois. Même l’ADQ qui se dit moins interventionniste, ne fait que se retirer de certains domaines pour s’immiscer davantage dans d’autres. Le seul élément qui permette de fondamentalement distinguer les candidats est leur position sur la question souverainiste.
M. Boisclair a d’ailleurs clairement annoncé son intention de tenir un référendum au cours de son premier mandat.
Mais devoir choisir entre le fédéralisme (version Charest ou Dumont) et la souveraineté, là n’est pas la question! Il semble que nos candidats n’aient pas compris que les Québécois veulent un véritable changement. C’était le message lancé par le documentaire L’illusion tranquille, et c’est précisément ce désir de changement qui explique la montée de l’ADQ dans les sondages. Pourtant, le parti de Mario Dumont ne présente rien de révolutionnaire, simplement une version light du modèle québécois.
Il faut dire qu’il serait difficile pour les candidats de proposer des mesures plus audacieuses puisque les véritables défis économiques n’ont été mentionnés ni lors du débat ni au cours de la campagne électorale. Chaque chef s’évertue à relever les failles de ses opposants et à critiquer les décisions prises par le passé. L’exercice peut être intellectuellement intéressant, mais ce n’est pas ce dont le Québec a besoin.
Il aurait été plus instructif pour les électeurs d’entendre les chefs se prononcer sur la croissance économique anémique qu’enregistre le Québec depuis 10 ans, la faiblesse de la construction et des investissements, la surimposition des travailleurs, la pauvreté relative du Québec et son appauvrissement constant, l’épidémie meurtrière de C difficile, le taux de chômage québécois supérieur à la moyenne canadienne, etc.
Mais les candidats semblent préférer s’adonner à des diatribes inutiles sur des détails survenus par le passé plutôt que de débattre de questions économiques importantes qui touchent le quotidien des Québécois et leur avenir! Dans ce contexte, les électeurs sont les grands perdants de la soirée de mardi.
La gestion du statu quo
Les Québécois réclament des changements économiques, mais on leur demande d’effectuer un choix strictement politique. Ils sont de plus en plus nombreux à remettre en question le modèle social-démocrate, mais les politiciens font la sourde oreille. Ils sont préoccupés par la pauvreté relative de la Belle Province, mais aucun chef n’aborde la question. Ils veulent comprendre pourquoi le système de santé est malade malgré les sommes colossales qui lui sont consacrées, mais leurs interrogations demeurent sans réponse.
Au lieu de se distinguer par des plateformes audacieuses et des propositions courageuses, nos candidats font la gestion du statu quo et s’efforcent de perpétuer un modèle qui ne répond plus aux attentes en plus de freiner l’épanouissement économique. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il en sera autrement dans quatre ans!
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.