Un projet avantageux
On apprenait dans La Presse du 22 septembre que vingt-cinq personnalités ont signé une lettre ouverte pour s’opposer au projet de prolongement de l’autoroute 25 et proposer de miser davantage sur le transport en commun. Leurs arguments se basent sur une série d’idées reçues concernant les effets néfastes de l’utilisation de l’automobile sur l’environnement et les bienfaits inévitables des investissements en transport en commun. La réalité est plus complexe.
On répète sans cesse que le transport routier est la source principale d’émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec (32,1%), lesquelles ont augmenté «de façon alarmante» (21,6%) dans ce secteur entre 1990 et 2003. Les chiffres sont exacts, mais on oublie souvent de mentionner que le terme « transport routier » comprend les véhicules lourds utilisés pour le transport de marchandises, qui ne se fera pas en métro ou en train de banlieue malgré toute la sensibilisation du monde.
Selon le ministère québécois de l’Environnement, la hausse d’émissions de GES dans le secteur du transport routier est directement liée à l’accroissement du nombre de véhicules lourds sur les routes depuis 1990. En effet, le nombre de véhicules lourds est passé de 99 607 à 196 459. Elle est également liée à une augmentation du nombre de camions légers (fourgonnettes, camionnettes et véhicules utilitaires sport), une tendance observée partout en Amérique du Nord.
Par contre, bien que le nombre d’automobiles ait légèrement augmenté, les émissions provenant des automobiles ont diminué de 5,5% entre 1990 et 2003. Les modèles plus récents sont plus efficaces et émettent donc moins de GES. L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) souligne que les véhicules d’aujourd’hui émettent 90% moins de monoxyde de carbone que les modèles des années 1960, ce qui explique pourquoi les émissions des automobiles ont diminué depuis l’époque malgré le plus grand nombre de voitures sur les routes. La technologie est sûrement le moyen le plus efficace de réduire la pollution.
Il ne faut d’ailleurs pas se limiter à la situation québécoise, puisque le Protocole de Kyoto s’applique partout au pays. À l’échelle canadienne, le transport routier (excluant les véhicules lourds) a émis seulement 12% des GES en 2003. Si on cessait complètement d’utiliser des voitures et des camions légers dans tout le pays, la réduction des émissions de GES serait à peine suffisante pour remplir la moitié des engagements du Canada en vertu du Protocole de Kyoto.
Malheureusement, on continue de propager l’idée selon laquelle les nouvelles autoroutes font exploser le nombre d’automobilistes alors que les investissements en transport en commun pourraient conduire les automobilistes à abandonner leur voiture. Les différentes expériences à l’échelle mondiale démontrent la fausseté de cette affirmation. Malgré de formidables et coûteuses stratégies visant à convertir des automobilistes au transport en commun, aucune région urbaine importante des pays développés n’a réussi à réduire la part de marché de l’automobile de plus de 2% au cours des dernières décennies.
Les signataires de la lettre d’opposition à l’autoroute 25 reconnaissent, avec raison, que le parachèvement de l’autoroute 30 est nécessaire pour donner la possibilité aux camions de marchandises d’éviter l’île de Montréal (rappelons que Montréal est la seule région urbaine des pays développés qui ne possède pas d’autoroute de contournement, depuis que Sydney a inauguré la sienne).
Pourtant, plusieurs arguments militant en faveur du parachèvement de l’autoroute 30 valent aussi pour l’autoroute 25. Cette dernière aura également pour effet de réduire l’encombrement sur le boulevard Métropolitain, en plus d’éviter les détours inutiles et donc les kilomètres perdus. Tel que mentionné dans les documents du ministère des Transports du Québec, l’importante croissance démographique dans les banlieues de la Rive-Nord (la plus forte au pays comme l’indiquait Statistique Canada il y a quelques jours) provoque une congestion de plus en plus grave des ponts reliant Laval et Montréal.
N’oublions pas que les autobus, qui constituent le mode de transport en commun présentant le meilleur rapport coût-bénéfice, emprunteront aussi l’autoroute 25. Néanmoins, même si on consacrait des sommes grandioses au développement du transport en commun, ce mode de déplacement ne sera jamais concurrentiel pour les gens qui se dirigent ailleurs qu’au centre-ville.
Avec ou sans investissement dans le transport en commun, le débit de circulation sur les ponts augmentera inévitablement. Préférons-nous allonger les embouteillages et la période de pointe, ce qui n’aidera certainement pas à diminuer la pollution de l’air ou, plutôt, désengorger les axes routiers de la région afin que la circulation soit plus fluide et donc moins néfaste pour l’environnement?
On ne doit pas confondre les visions et les mirages. L’analyse objective montre que le projet de l’autoroute 25 est rentable tant d’un point de vue économique qu’environnemental. Il s’agit d’un rare projet d’infrastructure où des investisseurs privés sont prêts à risquer leur propre capital. Dans ces conditions, il serait avantageux de le réaliser.
Wendell Cox est l’auteur de Transport et logement à Montréal – Comment le développement de la banlieue rend la métropole plus compétitive, Martin Masse est directeur de la recherche et des publications à l’Institut économique de Montréal.