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Textes d'opinion

Une surcapacité nourrie par les gouvernements – Les difficultés de Bombardier ont été largement favorisées par des politiques de soutien public

Les difficultés que connaît ces derniers temps le secteur aéronautique obligent Bombardier à revoir ses cadences de production et à faire 2000 mises à pied, dont environ 1340 au Québec. Ces changements sont directement liés à la situation difficile des compagnies aériennes, notamment US Airways – un des gros clients pour les jets régionaux de Bombardier – qui vient de se placer pour la deuxième fois en deux ans sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Et si Delta, un autre client majeur en difficultés, s’avérait dans l’impossibilité d’honorer ses commandes, l’entreprise québécoise pourrait procéder à 1200 mises à pied supplémentaires.

Certes, le secteur aérien mondial subit en partie les conséquences de 9/11 et de la flambée du prix du pétrole. Cependant, la situation actuelle de surcapacité d’avions par rapport aux capacités de payer des compagnies a été largement favorisée par des politiques de soutien public et de subventions, octroyés par les différents gouvernements, dont ceux du Canada et du Québec, à leurs constructeurs nationaux ou aux acheteurs de leurs appareils.

Par exemple, il y a eu pendant des années des «surenchères» de subventions entre le Brésil et le Canada – mais il en est de même entre les États-Unis avec Boeing et l’Union européenne avec Airbus – ayant pour conséquence directe de stimuler artificiellement toute l’industrie aéronautique. En conséquence, plus d’investissements, de capital et de main-d’oeuvre, ont été attirés dans le secteur aéronautique (incluant les fournisseurs et les sous-traitants) que ce qui aurait été le cas en l’absence d’intervention publique.

En premier lieu, les pouvoirs publics subventionnent très souvent la R&D des nouveaux modèles d’avions. Rappelons-nous qu’en ce moment même, Bombardier est en train de consulter plusieurs gouvernements dans le monde, dont ceux à Québec et à Ottawa, pour obtenir leur participation financière dans le développement de sa nouvelle série de jets régionaux. Ensuite, par des prêts, des garanties de prêt et autres soutiens financiers, les différents États ont également incité – en réduisant les risques liés au financement des achats d’avions – les compagnies aériennes à passer davantage de commandes pour de nouveaux appareils. Il ne fait pas de doute que des prêteurs privés n’auraient pas fourni de financements aux mêmes conditions favorables que les organismes publics. Ne subissant pas la totalité des coûts de financement, les compagnies se sont donc plus facilement endettées.

Les moindres chocs affectant le transport aérien peuvent ainsi s’avérer fort dommageables en obligeant certaines compagnies à faire face à des dettes insoutenables, puis d’autres à se déclarer en faillite. Et sans clients pour leurs produits, les constructeurs, les fournisseurs et autres sous-traitants, n’ont pas d’autres choix que de ralentir à leur tour la production. […]

Dans de telles circonstances, alors que les clients se font rares et, sous le poids des dettes, très réticents à acheter de nouveaux appareils, la solution n’est pas d’augmenter encore plus les subventions, ni de mettre en place, comme les syndicats le souhaitent, une «véritable politique de soutien à l’industrie aéronautique». Une telle politique ne ferait qu’aggraver les choses.

Tout au contraire, il serait préférable d’un point de vue économique que les gouvernements du Canada, du Brésil, mais aussi des États-Unis et de l’Union européenne, s’entendent pour cesser de gaspiller des fonds publics et laisser fonctionner un marché aéronautique libre où les constructeurs sont réellement rentables et les compagnies aériennes solvables.

Valentin Petkantchin est directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal.

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