Le gouvernement ne doit pas se mêler à la relation entre les fournisseurs et les épiceries
Quand on y pense, les supermarchés sont plutôt miraculeux. Ils nous donnent accès à une vaste quantité et une grande variété de produits alimentaires sur demande et à n’importe quel moment de l’année – nonobstant une pénurie de papier de toilette causée par la panique. Et ce « miracle » est d’autant plus impressionnant qu’il résulte de la collaboration spontanée et volontaire de millions d’individus, dont la plupart ne se rencontreront jamais.
Mais un groupe d’associations représentant des fermiers, des transformateurs alimentaires et des détaillants indépendants veulent que le gouvernement fédéral introduise un code de conduite pour les épiceries. Un tel code contiendrait des règles concernant les frais pour accéder aux étalages d’épicerie et les amendes pour les retards de livraison des produits. Dans une lettre adressée à trois ministres fédéraux mercredi dernier, huit associations se plaignaient que la consolidation des épiceries avait « déformée les justes pratiques du marché », insinuant donc que les plus gros joueurs peuvent se servir de leur poids afin de dicter les termes des contrats avec les fournisseurs.
Bien qu’il soit vrai que le secteur ait connu une certaine consolidation, les trois plus grands joueurs(1) ne comptent toujours que pour 63,4 % de l’industrie au Canada. Avec d’autres grands joueurs comme Walmart et Costco qui leur soufflent dans le cou, l’industrie semble amplement compétitive. Selon le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), l’association représentant les plus grandes épiceries, les marges de profit des supermarchés sont très minces (1,6 % seulement en 2018, comparativement à 4,4 % pour les grossistes alimentaires), ce qui tend à démontrer que la compétition est bien présente dans le secteur.
Dans tous les cas, s’inquiéter de la consolidation et d’une soi-disant domination du marché indique une vision erronée et « statique » de la concurrence qui, bien qu’elle continue d’influencer les décideurs et le public, n’est plus prévalente dans le domaine de l’économie. Plus réaliste, la vision « dynamique » de la concurrence prend en compte l’évolution rapide des marchés ouverts à l’innovation, et met de l’avant le fait que la concurrence doit être vue comme un processus plutôt qu’une situation fixe. Elle donne moins d’importance à la distribution des parts de marché et au nombre de joueurs, et plus d’importance au nombre de joueurs potentiels. Rappelons-nous que Walmart, par exemple, était principalement un magasin à aubaine il n’y a pas si longtemps.
Comme le disait un porte-parole du CCCD, « il n’est pas surprenant que les transformateurs alimentaires désirent des profits plus élevés. » Après tout, nous aimerions tous faire plus d’argent pour le même travail. Mais dans la dynamique entre les fournisseurs et les détaillants, c’est le marché et non l’intervention gouvernementale qui doit déterminer la juste part de chacune des parties.
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Note
1. Les trois plus grands détaillants alimentaires au Canada sont Loblaws, Sobeys et Metro.