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Textes d'opinion

Garder le contrôle de votre déclaration de revenus

L’idée que l’État puisse préremplir votre déclaration de revenus a circulé il y a quelques mois. En fouillant un peu, nous nous sommes aperçus que le Québec avait tenté un projet pilote en ce sens en 2008.

Suite à une demande d’accès à l’information, l’IEDM a mis la main sur les détails de cette expérience.

À l’époque, pour tester l’idée du préremplissage des déclarations d’impôt, le gouvernement avait ciblé une population ayant une situation fiscale simple. Ainsi, 80 % des « cobayes » avaient 65 ans et plus. Généralement, les sources de revenus de cette population varient peu d’une année à l’autre et sont peu nombreuses.

D’après vous, quels ont été les résultats de ce projet pilote? Eh bien, à la lumière des informations, ce fut un fiasco!

Une avalanche d’erreurs et de coûts supplémentaires

Sur les 100 000 contribuables contactés, seulement le tiers a choisi d’utiliser le formulaire du gouvernement qui leur a été envoyé. Pourquoi? Parce que la plupart des gens veulent avoir un contrôle sur leur déclaration (après tout, c’est notre argent!). Mais aussi parce que les déclarations ont été envoyées en retard par le gouvernement. Parlez-moi d’un projet qui a bien commencé!

Le respect des délais est l’une des conditions essentielles pour éviter les dépassements de coûts dans tout ce que l’État entreprend. Or, le rapport du gouvernement sur l’expérience québécoise de 2008 est clair là-dessus : le système a rencontré des problèmes techniques qui ont occasionné des délais supplémentaires au calendrier de Revenu Québec.

Imaginez si les délais ne concernaient pas seulement 100 000 personnes, mais l’ensemble des quelque six millions et demi de Québécois qui remplissent une déclaration d’impôt. Ça serait un véritable bordel! 

Par exemple, les fonctionnaires ont dû passer pas moins de 12 000 coups de fil durant le projet pilote, la plupart du temps pour expliquer aux gens comment fonctionnait le formulaire. 12 000 appels pour 100 000 formulaires; imaginez le nombre d’appels pour six millions de formulaires!

Comme on pouvait s’y attendre, ce projet pilote a coûté une petite fortune : 2 millions $, pigés dans les poches des contribuables. La majorité de l’argent, soit 1,6 million $ a servi à payer les fonctionnaires qui ont dû passer du temps à traiter les dossiers et répondre aux questions.

Le fait qu’il s’agissait d’un projet pilote, touchant des contribuables au profil fiscal relativement simple, a probablement permis d’éviter les problèmes les plus graves.

Le préremplissage des déclarations d’impôt : une très mauvaise idée

Nous ne sommes pas du tout étonnés par l’expérience québécoise. Celle-ci vient confirmer les conclusions de notre récente étude dans laquelle on explique justement pourquoi c’est une très mauvaise idée de vouloir laisser le gouvernement remplir notre déclaration d’impôt. Essentiellement, c’est coûteux pour l’État et pour les contribuables, c’est inefficace et ça augmente les risques d’erreurs.

L’expérience internationale confirme les effets pervers du préremplissage des déclarations d’impôt. L’Australie, l’Angleterre, le Danemark et la France, ont tous connu des problèmes, et on a assisté à des cafouillages de grande envergure.

Par exemple, en 2010, au Royaume-Uni, l’impôt de près de six millions de contribuables a été mal calculé. Aussi, dans des pays à la fiscalité complexe, des bogues importants ont été signalés. En France, le préremplissage a été mis en place en 2006; un quart des déclarations comportaient une erreur la première année. En 2018, 500 000 déclarations préremplies avaient sous-évalué le montant d’impôt à payer; les contribuables ont dû faire la correction eux-mêmes.

Le contribuable est le mieux placé

Ces expériences nous rappellent quelques faits que nous ne devrions jamais oublier. Qu’il le fasse seul, en utilisant un logiciel spécialisé ou encore en embauchant un comptable, le contribuable est la personne la mieux placée pour remplir sa déclaration de revenus.

Cela nous informe sur la fiscalité et la taille de l’État, nous sensibilise aux dépenses gouvernementales et nous responsabilise comme citoyen.

Si on veut vraiment faciliter la vie des contribuables, ce n’est pas en promettant un cadeau empoisonné qu’on va y arriver, mais plutôt en simplifiant l’ensemble du régime fiscal.

Jasmin Guénette est vice-président aux opérations de l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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