Pourquoi un État plus petit n’est pas un choix idéologique
Dans une lettre publiée le 19 octobre dans La Presse, M. Jean-Pierre Aubry répliquait à mon texte intitulé « La priorité économique du gouvernement de la CAQ — Une occasion d’enrichir les Québécois ». Dans ce texte, je soutenais que cette priorité devrait être « d’aider les Québécois à atteindre un niveau de prospérité au moins comparable à la moyenne canadienne et de nous sortir de notre situation de dépendance à la péréquation ».
Sur la prospérité, la productivité et l’investissement
J’expliquais que la prospérité est reliée à la productivité, qui elle-même dépend de l’investissement. Or, le Québec n’est tout simplement pas attractif pour l’investissement, en raison de la fiscalité plus agressive qu’ailleurs au Canada. Cela demeure vrai malgré des subventions aux entreprises plus généreuses que presque partout ailleurs au pays. Soyons clairs: notre modèle ne nous a pas bien servi, nous laissant en queue de peloton des niveaux de vie au Canada.
Je concluais qu’une « réduction généralisée de la pression fiscale québécoise, la plus élevée au pays, doit être envisagée. Un État plus petit et plus efficace est une condition pour permettre cette réduction des impôts et rendre le Québec plus attractif. Une fiscalité plus avantageuse aiderait aussi à attirer la main-d’œuvre et à la retenir ».
M. Aubry, dans sa réplique, indique qu’un État plus efficace peut se traduire par un État plus petit, mais il ajoute aussi que l’État peut en profiter pour être encore plus présent dans nos vies, sans augmenter ses recettes. Il indique qu’il est légitime de vouloir payer plus de taxes qu’ailleurs pour recevoir en échange plus de services de la part du gouvernement.
Ces affirmations méritent une réponse détaillée.
Considérations sur la taille de l’État
Au Canada, l’État (défini comme les dépenses des trois paliers reconnus) représente 41% du PIB; au Québec, c’est 49%. Autrement dit, chez nous, l’État prend presque 20% plus de place dans l’économie.
Une telle emprise de l’État sur l’économie a des conséquences. La recherche économique est claire sur le lien entre la taille de l’État et la performance économique. La taille qu’il ne faut pas dépasser, au risque d’affecter négativement le PIB par habitant et sa croissance, se situe à environ 25% du PIB. Au Canada, la taille de l’État dans chaque province (en % du PIB) est fortement corrélée négativement avec le revenu disponible et le PIB par habitant.
De nombreuses recherches démontrent clairement les liens entre la liberté économique et les niveaux de vie. Une étude sur les États américains a trouvé que lorsqu’il y a moins d’impôts et que l’État se mêle moins de l’économie, il y a moins de pauvreté. Une autre étude a confirmé ce résultat. Une métaétude a conclu que la liberté économique est un déterminant important de la croissance économique. Cette étude a été mise à jour quelques années plus tard et les conclusions sont restées les mêmes. Une dernière étude a démontré que peu importe la mesure de liberté économique utilisée, elles permettent toutes de conclure que la liberté économique amène plus de croissance. On se situe donc en territoire connu.
« Choisir » un État plus gros, c’est miner à long terme notre prospérité et les revenus des citoyens. L’histoire économique des 100 dernières années l’a confirmé sans équivoque.
Le problème est que l’État veut toujours grossir et en faire plus. Cet appétit de l’État pour de plus en plus de « contrôle » est bien illustré en santé, alors que le gouvernement du Québec fait tout pour faire disparaître une entreprise privée qui coordonne les rendez-vous dans les cliniques, et la remplacer par un organisme gouvernemental inefficace et plus coûteux, au grand malheur des patients et des praticiens.
Recommander un État plus efficace et plus petit n’est pas un choix idéologique. Un État plus petit, plus efficace et moins interventionniste mène à une croissance économique plus rapide, et à une diminution de la pauvreté. Comme l’a écrit M. Aubry, « il faut éviter les interprétations simplistes et trop rigides ». Bien d’accord.
Il faut aussi éviter de croire qu’un État obèse n’est qu’un choix de société, qui déplace des dépenses du citoyen vers le gouvernement. C’est aussi un modèle qui nous appauvrit par rapport à nos voisins. Il nous rend dépendants de l’aide fédérale et, de façon générale, rend le Québec moins attrayant pour les travailleurs. Et ça, ce n’est pas de l’aveuglement doctrinaire.
Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.