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Textes d'opinion

Les revendeurs n’apporteront pas plus de concurrence dans les télécoms

Beaucoup de gens se plaignent des prix élevés des services de téléphonie sans fil au Canada et disent que c’est le manque de concurrence qui en est la cause. Pourtant, le Canada compte maintenant quatre fournisseurs principaux dans chacune des régions du pays. En plus des trois gros fournisseurs nationaux que sont Bell, TELUS et Rogers, il y a maintenant Vidéotron au Québec, Eastlink dans les Maritimes, SaskTel en Saskatchewan, et Freedom dans l’Ouest et en Ontario.

En plus de ces fournisseurs principaux, il faut aussi tenir compte de leurs marques dérivées, qui offrent des services généralement moins dispendieux pour des clientèles avec des plus petits budgets. Si l’on veut payer moins cher, il faut aussi aller voir ce qu’offrent Fido, une filiale de Rogers, Virgin, qui appartient à Bell, et Koodo, qui appartient à TELUS.

Un autre type de fournisseurs de services sans fil à prix modiques, les revendeurs, fait aussi partie des choix des consommateurs. Les revendeurs (ou MVNO dans le jargon des télécoms) sont de très petits joueurs avec une portion minuscule du marché qui n’ont eux-mêmes aucun réseau cellulaire, mais qui louent plutôt un accès aux gros fournisseurs et revendent leurs services sous une autre marque. Il y en a quelques-uns au Canada, comme PC Mobile et Primus.

Ces ententes de partage de réseau se font de manière contractuelle. Il peut être dans l’intérêt des gros fournisseurs qui ont un surplus de capacité de louer une partie de leur réseau aux revendeurs au lieu de laisser cette capacité inutilisée. Jusqu’à présent, le CRTC s’est toutefois toujours abstenu de forcer les gros fournisseurs à partager leur réseau avec les revendeurs à des prix réglementés, comme c’est le cas avec les autres fournisseurs. (Par exemple, Vidéotron, qui ne possède des tours cellulaires qu’au Québec et dans l’est de l’Ontario, peut exiger des autres fournisseurs qu’ils lui louent leurs infrastructures à des prix réglementés dans le reste du pays. L’objectif est de permettre aux utilisateurs de pouvoir utiliser leur appareil où qu’ils soient au pays.)

Le ministre de l’Industrie, Navdeep Bains, est cependant d’avis que le CRTC devrait modifier son approche et lui a demandé officiellement l’été dernier de revoir une décision sur ce sujet. Selon le gouvernement et les partisans d’un tel changement réglementaire, cela augmenterait la concurrence et constituerait une bonne nouvelle pour les consommateurs, qui auraient ainsi accès à davantage de services à bas prix.

Fausse concurrence

Comme l’ont noté mes collègues Martin Masse et Paul Beaudry dans une récente publication de l’IEDM, la véritable concurrence s’appuie sur une rivalité entre des joueurs qui ont leur propre infrastructure et un modèle d’affaires viable, et non sur des privilèges réglementaires. Une politique qui vise à renflouer des petits joueurs dont le modèle d’affaires n’est pas rentable en leur donnant un accès privilégié aux ressources d’autres fournisseurs ne peut que soutenir une concurrence artificielle, sans aucun des avantages qu’implique une véritable concurrence dans une économie libre.

Cette fausse concurrence ne s’appuie pas sur une rivalité saine. Elle ne permet pas d’accroître la quantité de ressources et la capacité disponibles, puisque les revendeurs n’ont aucune infrastructure et n’investissent pratiquement rien. Ils ne font que profiter des investissements faits par d’autres, à hauteur de presque une douzaine de milliards $ par année.

Cette fausse concurrence n’incite évidemment pas non plus à innover et à développer de nouveaux services dans un domaine qui évolue constamment et qui est crucial pour notre avenir économique. Au contraire, elle mine les incitations des propriétaires d’infrastructure à investir et à innover, puisqu’ils devront en partager les bénéfices. À moyen et plus long termes, ça n’apportera donc aucun bénéfice aux consommateurs.

Le Canada possède déjà l’une des meilleures infrastructures de télécommunications au monde, avec les réseaux parmi les plus rapides et les technologies les plus avancées, comme le montre chaque année le rapport annuel de mes collègues sur l’état de la concurrence dans l’industrie des télécommunications. Il y a aussi des forfaits pour tous les goûts et toutes les grosseurs de portefeuille. La meilleure façon de garder ces avantages n’est pas d’encourager une concurrence artificielle en donnant des privilèges à des revendeurs qui n’investissent rien, mais en s’assurant de garder un environnement réglementaire qui encourage l’investissement. 

Alexandre Moreau est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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