Le libre-échange, c’est bon aussi pour les provinces!
On parle beaucoup de libre-échange depuis quelques mois. Entre autres en raison de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), mais aussi en lien avec le Partenariat transpacifique, que plusieurs gouvernements tentent de ressusciter. Au Canada, un accord interprovincial attendu depuis longtemps a finalement été signé en avril dernier, tandis qu’une cause entendue cette semaine par la Cour suprême pourrait mener à une plus grande liberté de commerce à l’intérieur du pays.
Pourquoi est-on si intéressé par ces accords? Tout simplement parce qu’ils enrichissent chacun de nous.
Deux cents ans après la découverte de la loi des avantages comparatifs, les économistes ont eu le temps de mesurer les effets du libre-échange, et les études laissent peu de doute : le libre-échange accroît la concurrence, car le nombre d’entreprises sur un même marché augmente, ce qui mène à de meilleurs produits; il augmente les choix des consommateurs; il augmente la taille des marchés, ce qui permet d’obtenir des économies d’échelle; il oblige les entreprises à devenir plus productives.
Tous ces phénomènes réduisent les prix et font augmenter les salaires. Tout est dans cette dernière phrase : le pouvoir d’achat des ménages augmente, car ils ont plus à dépenser, et que chaque dollar dépensé leur permet aussi d’acheter une plus grande quantité de biens.
On présente souvent les accords de libre-échange comme ayant des effets globaux sur l’emploi. Certains diront que ces ententes détruisent des emplois, via une concurrence accrue. D’autres diront plutôt qu’elles créent des emplois dans les domaines d’exportations. Les deux affirmations contiennent une part de vérité, dans la mesure où le passage au libre-échange contribue à la destruction créatrice, soit la disparition d’entreprises (et d’emplois) et la création en même temps d’autres firmes (et emplois).
Les effets nets à long terme sur l’emploi sont cependant plutôt faibles : nos économies tendent toujours à revenir à un taux normal (ou naturel) de chômage, quelles que soient les circonstances. Ce taux est actuellement d’environ 6 à 7 % au Canada. En fin de compte, l’emploi augmente à la même vitesse que la population en âge de travailler, plus ou moins les effets des changements dans la démographie et ceux dans les grandes tendances sociales (durée des études, taux de participation des femmes). Ce n’est donc pas pour l’emploi que l’on essaie d’échanger le plus librement possible avec d’autres pays, mais plutôt parce que ça nous rend plus riches et que ça augmente nos possibilités de consommation.
Le libre-échange… chez nous!
Un autre type de libre-échange est dans l’actualité cette semaine. La fameuse cause Comeau est en effet devant la Cour suprême du Canada. En 2012, M. Comeau a été arrêté pour avoir rapporté chez lui, au Nouveau-Brunswick, quatorze caisses de bière et trois bouteilles de spiritueux achetées au Québec. Il a contesté son amende et a gagné sa cause devant la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick. La Cour suprême devra maintenant décider si les Canadiens ont le droit de transporter d’une province à une autre des biens achetés légalement, incluant de l’alcool.
Cette cause est importante, car elle met en lumière le fait que les provinces canadiennes ne pratiquent pas le libre-échange entre elles. En fait, une étude de Statistique Canada a calculé que les multiples restrictions sur le commerce intérieur canadien correspondent à un tarif douanier moyen de 6,9 % sur les biens échangés entre les provinces. Ce taux est beaucoup plus élevé que le tarif moyen canadien sur les importations internationales (1 %), et même que le tarif moyen mondial (2,9 %). En fait, il est souvent plus facile d’exporter vers un autre pays que vers une autre province canadienne!
La Cour suprême a donc la chance de corriger ce protectionnisme provincial, en revenant aux désirs des Pères de la Confédération canadienne, qui voulaient créer un vaste ensemble d’échanges libres. Si on comprend les vertus du libre-échange, on ne peut que se réjouir de la possibilité que la Cour fasse tomber les barrières au commerce entre les provinces, au grand avantage des consommateurs que nous sommes tous.
Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.
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