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Textes d'opinion

Quand l’impôt mange votre fonds de retraite

Les contribuables moins fortunés peuvent être parfois désavantagés par rapport aux plus riches quand un aspect du régime fiscal est un peu mal fichu ou désuet, même si ces derniers paient en général beaucoup plus d’impôt. C’est entre autres le cas avec l’impôt sur le gain en capital, un impôt dommageable et régressif.

Cet impôt est assez simple à comprendre. Vous achetez des actions ou un chalet, par exemple. Votre investissement est de 25 000 $. Dix ans plus tard, sa valeur est de 50 000 $. La différence de valeur au moment de la vente est un gain en capital. Présentement, la moitié de ce gain est imposable. Donc, en vertu du gain de 25 000 $ que vous réalisez en revendant l’investissement, votre revenu imposable cette année-là augmentera de 12 500 $.

Le taux d’imposition marginal combiné le plus bas au Québec (soit la part d’impôt payé pour chaque dollar supplémentaire déclaré) étant de 28,5 %, cela signifie que les gouvernements fédéral et provincial goberont d’un seul coup un peu plus de 3500 $ sur le gain que vous venez de réaliser. Et ça peut monter vite. Si votre revenu dépasse 46 000 $, ce qui correspond à peu près au salaire moyen au Québec, le taux marginal est de 37,1 % : sur les 12 500 $ ajoutés à votre revenu imposable, ce sont 4600 $ qui disparaissent!

Comment faire fondre un fonds de retraite

Maintenant, imaginons que cet investissement était un petit immeuble à revenu, par exemple une copropriété achetée il y a une vingtaine d’années, et dont la valeur est passée de 100 000 $ à 300 000 $. Le gain en capital est de 200 000 $. L’augmentation du revenu imposable est donc de 100 000 $. Ça fait une méchante différence!

Une bonne partie de cette différence sera soumise au taux marginal le plus élevé, ou pas loin. Si le revenu supplémentaire est imposé à 45 % (pour simplifier l’impact des paliers d’imposition), il restera un gain de 155 000 $. C’est mieux qu’un coup de pied au derrière, mais les 45 000 $ pris par l’impôt font mal. C’est une partie du fonds de retraite d’un travailleur de la classe moyenne qui est ainsi aspirée par le fisc, sans égard au revenu habituel de cette personne qui n’a été « riche » que pour une seule année d’imposition, celle pendant laquelle elle a vendu son investissement et encaissé son profit.

De plus, comme l’impôt sur le gain en capital ne tient pas compte de l’inflation, c’est-à-dire de la baisse de la valeur de l’argent pendant la durée de l’investissement, le gain réel peut être minime, voire négatif, une fois que le fisc a pris sa bouchée. (Plus de détails sur les effets de l’inflation ici, en p. 3.)

Les plus riches, eux, sont proportionnellement moins affectés. D’abord, si vous êtes déjà imposé au taux marginal maximal, la réalisation d’un gain en capital ne changera pas cet état de choses. De plus, si vous avez de multiples investissements dont vous encaissez une partie des gains chaque année, la réalisation d’un gain en particulier ne sera pas aussi exceptionnelle et n’aura pas le même impact sur votre patrimoine. Enfin, les contribuables les plus riches ont plus de flexibilité que la moyenne des ours (ou des écureuils) quant au moment à réaliser leur gain, et éviter ainsi un impact trop grand lors d’une année donnée.

Ça ne veut pas dire pour autant qu’imposer le gain en capital est une bonne idée, même pour les contribuables les plus riches. Il y a d’autres effets plus larges sur l’économie en général et sur notre niveau de vie. L’impôt sur le gain en capital, en décourageant l’investissement (le vôtre, le mien, pas seulement celui des millionnaires!) entraîne aussi toute une foule d’effets pervers, comme mon collègue Mathieu Bédard l’a récemment noté, le qualifiant « d’impôt à abattre ».

C’est à ce point vrai que plusieurs pays ont tout simplement choisi de ne pas imposer le gain en capital, préférant d’autres sources de revenus pour l’État. Les effets positifs sur le taux d’épargne et sur la croissance de l’économie en général chez les pays qui l’ont aboli ont également été documentés. Le Canada aurait intérêt à suivre leur exemple.

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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