Ainsi va la « machine », ainsi paie le contribuable
Avez-vous remarqué que lorsque le gouvernement réduit à peine la croissance des dépenses, nos services semblent en souffrir? Les enfants écopent. Les malades écopent. C’est comme si la moindre réduction du rythme de dépenses n’affectait en aucun cas les structures et la bureaucratie, et qu’on passait directement la facture aux citoyens.
Ensuite, quand le gouvernement décide de dépenser davantage, de « réinvestir » comme on le dit dans son jargon, soit en éducation, en santé ou services de garde, on ne voit pas beaucoup de différence. En somme, on n’a pas l’impression d’en avoir plus pour notre argent : c’est comme si le « nouvel » argent dépensé était siphonné dans les structures et la bureaucratie de l’État, sans grand changement dans les services.
Est-ce un hasard? Permettez-moi d’en douter…
Ces dernières années, afin d’équilibrer le budget, le gouvernement libéral a décidé de réduire le rythme d’augmentation des dépenses – ce que certains ont osé appeler « austérité », alors que pourtant, les dépenses du gouvernement ont en fait augmenté, mais juste un peu moins rapidement que par les années précédentes.
Qu’est-ce qui s’est passé? Les commissions scolaires, à qui le gouvernement avait demandé de faire des compressions dans leurs dépenses, ont décidé de refiler le gros de la facture aux citoyens par des hausses de taxes.
L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a menacé de fermer une importante banque de données utilisée par plusieurs chercheurs et journalistes, invoquant les compressions budgétaires, alors que cette banque de données représentait, en coût, moins de 4 % du budget de l’ISQ.
Une foule d’exemples de ce genre, où les administrations publiques coupent de façon sélective pour entraîner la foudre des usagers envers les compressions budgétaires avaient été rapportées à l’époque par mon collègue Mathieu Bédard, dans ce qu’il appelait une « épidémie du syndrome du mont Rushmore ».
Même la protectrice du citoyen évoquait cette situation dans un communiqué, dans lequel elle soulignait que « le premier défi est celui d’intensifier les efforts pour réduire la bureaucratie plutôt que les services ».
L’IEDM montrait récemment dans une publication qu’au cours des dix dernières années, les dépenses publiques en éducation ont bondi de 14 % (en tenant compte de l’inflation) pendant que le nombre d’élèves diminuait de 6,5 % dans les écoles et que les résultats scolaires s’amélioraient à peine.
L’argent est principalement allé en hausses salariales et dans les régimes de retraite des employés. Les dépenses réelles pour chaque élève (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) sont donc passées de 10 791 $ à 13 162 $, une hausse de 22 % en dix ans, sans se traduire par une amélioration notable pour les élèves ou les parents.
Le système de garderies est un autre exemple. Les dépenses annuelles pour les places subventionnées sont passées de quelque 300 millions $ en 1997-1998 à 2,4 milliards $ en 2016-2017. Cela dépasse de loin l’augmentation du nombre de places. Même en tenant compte de l’inflation, le coût par enfant a plus que doublé. Parmi les raisons, la syndicalisation de 25 000 travailleuses en milieu familial en 2008 allait coûter plus de 1 milliard par année aux contribuables.
Non seulement ce système a-t-il entraîné une explosion des coûts, mais il y a encore des parents qui languissent sur les listes d’attentes, même 20 ans après la mise en place du réseau! La bureaucratie et les salariés ont tous amélioré leurs conditions, sans que l’amélioration du « service » ait suivi le même rythme pour les parents, qui doivent d’ailleurs maintenant payer des tarifs plus élevés.
La question qu’il faut maintenant se poser est : combien de programmes sociaux se sont ainsi transformés en « programme d’emploi pour fonctionnaires » au fil des ans?
Difficile à répondre, mais pour le simple contribuable, ça devient un jeu de pile ou face impossible à gagner. Si c’est pile, le contribuable perd; si c’est face, la bureaucratie gagne. Ainsi va la vie qui va, comme le chante si bien Jean Leloup. Et ainsi paie le contribuable.
Jasmin Guénette est vice-président aux opérations de l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.