Où va l’argent en éducation?
Au cours des 10 dernières années, les dépenses publiques en éducation de la maternelle à la fin du secondaire, en incluant les parcours professionnels et l’éducation des adultes, ont augmenté de 11,3 à 12,9 milliards de dollars, en tenant compte de l’inflation. Pourtant, le nombre total d’élèves a baissé de 1,05 million à 983 000. Les dépenses réelles par élève sont donc passées de 10 791 $ à 13 162 $, une augmentation de 22 %.
Pourquoi une telle hausse alors que le nombre d’élèves diminue ? Ce n’est pas à cause des dépenses en infrastructures, puisque celles-ci sont négligées depuis longtemps. Il faudrait en effet dépenser plus de 6 milliards pour remettre à niveau les bâtiments des commissions scolaires du Québec.
C’est surtout du côté des salaires qu’il faut regarder. Premièrement, le rapport élèves-enseignant dans les commissions scolaires est passé de 14,4 à 13,2, une baisse de près de 9 %. Deuxièmement, les paiements de l’État dans les caisses de retraite des employés ont bondi de près de 50 %, en tenant compte de l’inflation. Troisièmement, comme il y a relativement peu d’embauche, la progression automatique dans l’échelle salariale fait augmenter les coûts par employé.
La croissance rapide de la proportion d’élèves en difficulté d’apprentissage et d’adaptation ou ayant un handicap joue aussi un rôle : dans le secteur public, ils sont passés de 16 % à 21 % des élèves, une hausse d’un tiers. Or, ces élèves donnent droit à une subvention qui peut être jusqu’à quatre fois plus élevée.
On dépense donc plus. Mais ces dépenses sensiblement plus élevées ont-elles aidé les élèves ?
De la cohorte d’élèves ayant commencé leur secondaire en 2002 à celle de 2008, le taux de diplomation et de qualification sur sept ans pour l’ensemble du Québec est passé de 72 à 79 %. Évidemment, il faut se réjouir si nos élèves réussissent mieux, mais ces chiffres méritent d’être mis en contexte.
Des diplômes remis en question
Une part non négligeable de l’amélioration du taux de diplomation du secteur public est liée à la création de nouveaux diplômes, dont la valeur est remise en question par certains observateurs. À titre d’exemple, on peut nommer le Certificat de formation en insertion socioprofessionnelle des adultes, décerné à un élève qui a réussi ses cours de français, anglais et mathématiques du niveau primaire, ainsi qu’une formation de 900 heures en « sensibilisation au marché du travail ». Un peu moins de la moitié (41 %) de l’augmentation du taux de diplomation sur sept ans pour l’ensemble du Québec est due à ce nouveau type de qualification.
Également, il est permis de croire que la volonté de diplômer plus d’élèves a mené à un abaissement des critères d’évaluation. Par exemple, on a appris ce printemps qu’un enseignant sur deux avait vu la direction de son école hausser la note qu’il avait accordée à un élève sans son consentement.
Le Québec a fait des pas importants dans la démocratisation de l’éducation, mais beaucoup de travail reste à accomplir. En lecture, plus de la moitié des Québécois ne possèdent pas les compétences pour leur permettre de « participer pleinement et de manière productive à l’économie d’aujourd’hui, fortement axée sur le savoir » ; seulement 11,3 % sont capables d’analyser un texte complexe.
À peine plus de 59 % des Québécois lisent un livre au moins une fois par mois, et 20 % n’en lisent jamais.
Dans le secteur public, plus d’un élève sur trois ne termine pas son parcours secondaire à l’intérieur du délai normal de cinq ans. Dans certaines commissions scolaires, le décrochage atteint des proportions alarmantes.
Une chose est sûre : notre secteur éducatif public sous-performe par rapport à ce que l’on devrait attendre d’une société moderne.
Pourquoi ne pas jeter un regard neuf sur nos façons de faire ? Moins de bureaucratie, plus de concurrence entre les écoles et une plus grande liberté de choix pour les parents ne sont pas des solutions qui ont été utilisées souvent au Québec. Il serait temps d’y penser.
Germain Belzile est chercheur associé senior à l’IEDM, Alexandre Moreau, analyste en politiques publiques à l’IEDM. Ils sont les auteurs de « Où va l’argent de l’éducation? » et signent ce texte à titre personnel.
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