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Textes d'opinion

La gestion de l’offre appauvrit trop de Canadiens

Au cours de l’été, la Commission canadienne du lait a décrété une augmentation du prix du lait de transformation pour une deuxième fois cette année.

Cette augmentation, qui est entrée en vigueur hier, fera grimper les prix du beurre, du yogourt et de la crème glacée. C’est aussi par l’entremise d’un décret bureaucratique que les autres produits soumis à la gestion de l’offre sont déterminés. En contrôlant la quantité produite et en prohibant l’importation du lait, des œufs et de la volaille, la gestion de l’offre permet de fixer les prix que les Canadiens devront ultimement payer.

Si elle profite aux 13 500 producteurs soumis à la gestion de l’offre, il convient de souligner les grands perdants de cette dernière : les plus pauvres.

Une étude récente estimait que le coût de la gestion de l’offre représentait 2,3 % du revenu moyen des ménages canadiens les moins fortunés.

En comparaison, cette proportion se situait à 0,5 % pour les plus riches. Il est donc logique d’affirmer que la gestion de l’offre est régressive en touchant davantage les ménages et individus économiquement vulnérables.

À partir de ce constat, nous nous sommes demandé combien de familles et d’individus se retrouvent en situation de faible revenu ou de pauvreté en raison des coûts supplémentaires imposés par la gestion de l’offre.

Pour y répondre, nous avons produit un panier de consommation avec les produits sous gestion de l’offre selon une estimation conservatrice des portions et quantités recommandées par le Guide alimentaire de Santé Canada. En comparant le panier canadien avec l’équivalent acheté dans le nord des États-Unis, on s’aperçoit effectivement que les Canadiens doivent débourser un montant considérablement plus élevé, soit 438 $ par année pour un ménage moyen.

Afin de générer nos estimations, nous avons utilisé deux concepts de pauvreté. Le premier concept, conçu par l’économiste Chris Sarlo de l’Université Nipissing, vise à mesurer le nombre d’individus qui se retrouvent dans un état de privation matérielle extrême. Le second, le seuil de faible revenu conçu par Statistique Canada, est un indicateur de précarité économique. Tout ménage qui se retrouve sous ces seuils par une somme inférieure ou égale au coût estimé par type de ménage est considéré comme étant pauvre en raison de la gestion de l’offre.

Nous arrivons à la conclusion qu’entre 133 000 et 189 000 individus se retrouvent dans une situation de vulnérabilité économique en raison de la gestion de l’offre, soit 67 000 à 79 000 ménages.

Cette proportion peut sembler infime, mais elle surpasse largement la proportion des ménages qui bénéficient du régime de gestion de l’offre. Notre estimation la plus basse demeure 3,4 fois supérieure au nombre de producteurs dans le secteur laitier, de la volaille et des œufs.

C’est donc dire qu’en l’absence des restrictions à la production et l’importation des produits sous gestion de l’offre, les ménages canadiens disposeraient de plus d’argent dans leur poche pour subvenir à leurs besoins comme bon leur semble. Ceux qui se soucient du bien-être des plus pauvres devraient réfléchir à ces résultats. Le système régressif de la gestion de l’offre accentue la précarité économique des plus démunis en détournant une part considérable de leur revenu vers les producteurs et fait ainsi beaucoup plus de perdants que de gagnants.

Vincent Geloso est chercheur associé à l'IEDM, Alexandre Moreau est analyste en politiques publiques à l’IEDM. Ils sont les auteurs de « Le Point – La gestion de l'offre appauvrit les plus pauvres » et signent ce texte à titre personnel.

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