La compétence ou le nombre d’années d’expérience?
Une proposition des jeunes libéraux du Québec a fait trembler les colonnes du temple syndical: la compétence devrait surclasser le nombre d'années d'expérience des travailleurs. L'ancienneté est un principe inébranlable aux yeux des syndicats. Pas étonnant que les deux grandes centrales soient très vite montées aux barricades pour dénoncer cette remise en question.
Cela n'a pas empêché l'aile jeunesse du PLQ de débattre de cet enjeu lors de son congrès annuel la semaine dernière. Selon les militants, l'ancienneté freine l'avancement des jeunes sur le marché du travail et pénalise l'accès à des postes enviables, particulièrement dans la fonction publique québécoise.
Le président de la FTQ réplique que l'ancienneté n'est pas le seul critère d'avancement, et qu'il faut aussi avoir les compétences nécessaires pour pouvoir combler un poste.
Ce n'est peut-être pas le seul critère d'avancement, mais dans la fonction publique ou encore dans les entreprises syndiquées, l'ancienneté demeure le critère principal de sélection permettant à un employé d'accéder à un poste plus important et mieux rémunéré. Le principe de l'ancienneté occupe une place prépondérante dans les conventions collectives. Je le sais, j'ai été syndiquée durant 20 ans. Et cette règle devrait changer.
Soyons clairs, je ne suis pas en train de dire que les années d'expérience n'ont pas de valeur. Pas du tout! L'expérience a une valeur importante et les employeurs ont une forte incitation à la rémunérer. Ce que je dis, c'est que l'ancienneté ne devrait pas être le critère déterminant lors d'une embauche comme c'est le cas au Québec actuellement.
D'ailleurs, une étude publiée en 2014 par Statistique Canada révèle que 60 % des entreprises interrogées ont accordé une promotion en se basant uniquement sur l'ancienneté plutôt que sur les compétences. Le contraste est frappant lorsqu'on regarde l'Ontario par exemple, où 68 % des entreprises interrogées offrent l'avancement en se basant essentiellement sur les compétences.
Un employé qui possède 20 ans d'ancienneté, n'ayant aucune crainte d'être congédié, est-il aussi productif qu'un employé ayant une obligation de résultats et qui est rémunéré en fonction de sa productivité? Poser la question, c'est y répondre.
La théorie économique établit d'ailleurs un lien clair entre la méthode de rémunération et la productivité des travailleurs. Une rémunération liée à la performance individuelle motive quelqu'un à fournir un niveau d'effort plus élevé. En fait, les employeurs tentent fréquemment de développer des méthodes de rémunération qui visent à inciter les employés à être plus performants. On offre parfois des parts dans les rendements de l'entreprise ou des distinctions particulières. On fait miroiter des promotions afin d'encourager l'effort chez ceux qui sont plus ambitieux. Bref, tout pour encourager l'effort!
Prenons l'exemple de notre système d'éducation, dans lequel les enseignants de l'école publique sont rémunérés uniquement en fonction de leur ancienneté et leur nombre d'années de scolarité. Puisque la rémunération augmente mécaniquement avec le temps, peu d'efforts sont déployés afin de se démarquer. Si on appliquait le principe de la rémunération au mérite, cela permettrait de rehausser la qualité de l'éducation de manière substantielle, puisque les incitations sont organisées afin d'encourager le dépassement personnel.
D'ailleurs, plusieurs cas de rémunération au mérite adopté au niveau local par les écoles semblent générer des bénéfices importants. Les répercussions sont observées sur les étudiants qui ont mieux réussi dans les tests standardisés. En fait, on a même observé des cas d'effets d'entraînement sur les autres professeurs.
Quel que soit le milieu de travail, ça prend des incitations et une certaine reconnaissance pour pousser les employés à se démarquer et à être plus productif.
Ce n'est pas une mauvaise chose que les jeunes libéraux s'attaquent à la réorganisation du travail. Il est grand temps que le Québec devienne plus productif et concurrentiel.
Pascale Déry est conseillère principale, communications et développement à l'Institut économique de Montréal. Elle signe ce texte à titre personnel.
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