Nous avons accumulé près de 16 % de notre dette publique totale… en 7 ans!
J'ai l'impression qu'on parle beaucoup moins de la dette du Québec depuis un certain temps. Pourtant, je me souviens qu'il y a quelques années, aux alentours de 2009, notre dette publique était un sujet fréquent dans nos médias. Le Québec était « dans le rouge », lisait-on. Les nombreux gaspillages de fonds publics, et leur dénonciation, faisaient régulièrement les manchettes.
Pourquoi serions-nous aujourd'hui moins intéressés à la dette du Québec? Est-ce parce que sa croissance a ralenti? Est-ce parce que la dette est sous contrôle, ou même qu'elle a diminué? Est-ce que la soi-disant austérité du gouvernement Couillard aurait fait diminuer le poids de la dette publique sur nos finances publiques? Bref, est-ce qu'on se faisait des peurs pour rien?
La réponse est non, bien au contraire.
Imaginez: en 2009, la dette du secteur public québécois était, en dollars constants de 2016, de 233 G$. Au 31 mars 2016, selon les documents budgétaires, elle s'élevait à 276 G$. C'est une augmentation de presque 20 % en sept ans seulement! Autrement dit, près du sixième de la dette de toute l'histoire du Québec s'est accumulé au cours des 7 dernières années!
C'est un rythme d'endettement irresponsable, et un fardeau que nous laisserons à la prochaine génération.
Le gouvernement a beau dire qu'il a atteint l'équilibre budgétaire, et qu'il fait même des surplus, nous allons quand même nous endetter collectivement de 7 milliards de dollars de plus d'ici le 31 mars 2017 si l'on tient compte des dépenses d'immobilisation hors budget. C'est 19 millions $ par jour, ou 13 437 $ par minute, ou 224 $ par seconde…
Il ne s'agit pas que de chiffres abstraits. Le service de la dette pour le gouvernement et les organismes gouvernementaux nous coûtera à tous 10,5 milliards $ en 2016-2017. Après la santé et l'éducation, la dette est ce qui coûte le plus cher aux contribuables québécois. Des milliards que l'on pourrait utiliser à d'autres fins: réparer nos aqueducs, prolonger le métro, baisser les taxes et vos impôts, donner plus de bains à nos aînés…
Et comptons-nous chanceux que les taux d'intérêt soient aussi bas. Dans un Point publié par l'IEDM, la stratégiste en chef pour le Daily Insights de BCA, Lenka Martinek, avait évalué qu'une hausse de taux d'intérêt de deux points de pourcentage ajouterait 1,3 milliard de dollars au service de la dette après cinq ans. Si ce montant n'est pas spectaculaire en soit, il représente tout de même l'équivalent des budgets combinés des ministères de l'Environnement, de la Culture et des Relations internationales.
Nous sommes à ce point endettés parce que nous sommes des dépensiers compulsifs. Sur ces milliards de dettes, plus de la moitié résulte de « dépenses d'épicerie » accumulées au fil des ans. De l'endettement juste pour faire fonctionner la machine, pour payer tous les fonctionnaires et les programmes sociaux, au lieu d'être le résultat d'achats d'actifs productifs (construction de routes, universités, etc.)
Il serait plutôt temps pour le gouvernement, comme le suggérait récemment l'ex-haut fonctionnaire Denis Bédard, de viser non seulement le déficit zéro, mais bien l'endettement zéro.
Les plus cyniques diront que les politiciens ne veulent que deux choses: se faire élire et se faire réélire, et c'est pourquoi une politique de l'endettement zéro est illusoire dans la mesure où les politiciens actuels ne sont pas ceux qui vont tirer profit de cette mesure.
Mais restons positif! Par contre, soyons franc. Pour arriver à mettre en place cette politique, il faut que le gouvernement arrive à contrôler ses dépenses. C'est la clé de la solution. Et pour ça, il faut revoir le rôle et les missions du gouvernement. Car au fil des ans, il s'est beaucoup trop éparpillé dans des tas d'interventions et souffre aujourd'hui d'embonpoint chronique.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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