La sage décision de Régis
Parmi les dépenses qui affichent, historiquement, à peu près le pire ratio coûts/bénéfices, les Jeux olympiques trônent au sommet. Mais ce n'est pas grave pour nos politiciens. Un bon nombre d'entre eux veulent quand même les voir se dérouler dans leur ville, malgré les coûts astronomiques que cela représente. Pourquoi, me direz-vous? La réponse est simple : nos politiciens ne dépensent pas leur propre argent.
Le défunt économiste Milton Friedman aimait répéter qu'il y a plusieurs façons de dépenser. Vous pouvez par exemple dépenser votre propre argent, pour vous-même. Dans ce cas, vous allez exiger le maximum et vous allez vous assurer de dépenser de manière judicieuse et appropriée. À l'opposé, si vous dépensez l'argent de quelqu'un d'autre pour quelqu'un d'autre, vous vous soucierez peu de la nécessité réelle de la dépense, ni du prix, ni de la qualité de ce que vous obtiendrez.
Cette deuxième manière de dépenser, c'est ce que font constamment nos politiciens, et c'est pour cela que nos administrations publiques paient des sommes gigantesques pour des Jeux olympiques.
C'est ce que voulait faire Régis Labeaume. Enfin, jusqu'à aujourd'hui. Il rêvait que Québec soit la ville hôte des Jeux olympiques d'hiver de 2026.
Il a annoncé, avec regret, que Québec ne sera pas candidate. En ce qui me concerne, voilà une excellente décision qui devrait réjouir tous les contribuables de Québec et du Québec!
Petit rappel pour le maire de Québec. On a déjà fait l'expérience des Jeux olympiques à Montréal, et voici ce que ça nous a coûté.
Le budget initial, déposé par le maire Drapeau en 1969, prévoyait des coûts totaux de 120,5 millions $.
À la fin des jeux, en 1976, les coûts s'élevaient à 1,33 milliard $. Soit un dépassement de 1,2… milliard $, ou plus de 10 fois le coût estimé initial.
Et comme vous le savez sûrement, ça ne s'est pas arrêté là. Le stade, qui a fini par coûter plus de 800 millions $, continue de faire jaser. En 2015, Québec a entre autres autorisé des dépenses de 166 millions $ sur trois ans pour moderniser les installations olympiques. Non seulement les Jeux ont-ils coûté excessivement cher, mais on doit faire vivre depuis ce temps une bureaucratie « post-olympique » nommée Régie des installations olympiques (RIO) et payer pour un stade mal-aimé.
D'ailleurs, la question se pose : qu'aurait-on fait avec les installations à Québec une fois les Jeux terminés? Aurait-il fallu renflouer encore plus la RIO pour qu'elle s'en occupe? Cet organisme nous coûte quelque 20 millions $ par an en coûts d'opération depuis les Jeux. Et je vous rappelle qu'en 2015, la RIO proposait (encore une fois) d'installer un toit fixe et souple sur le stade, aux coûts d'environ… 215 millions $.
À la défense du maire Labeaume, il exprimait quand même certaines réserves par rapport aux coûts des Jeux olympiques et disait vouloir faire des Jeux « modestes ».
J'espère bien! Québec vient de se faire payer par les contribuables québécois un bel aréna tout neuf sans équipe de hockey. Il me semble que la priorité devrait être de rentabiliser cet « investissement » avant de vouloir construire d'autres installations.
Enfin, avant de chercher d'autres projets en dépensant l'argent des autres, le maire de Québec devrait se concentrer sur les missions de base de l'administration municipale : donner des services de qualité aux citoyens, qui justifient les multiples taxes qu'ils doivent payer.
Et ça, c'est déjà un défi olympien.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.