Salaire minimum à 15$: une fausse bonne idée
Ce vendredi, une manifestation a eu lieu à Montréal pour exiger l'instauration d'un salaire minimum de 15$.
Plusieurs, dont des journalistes et des politiciens, semblent croire que ce genre de mesure ne ferait que des gagnants. C'est faux. Il n'y a rien de gratuit en ce bas monde, et une telle politique implique toujours des gagnants et des perdants.
Prenons l'exemple de la Californie, qui va instaurer progressivement le salaire minimum à 15$ d'ici 2022-2023.
D'abord, il s'agit d'une bonne nouvelle pour certains travailleurs au salaire minimum en Californie, qui seront assez chanceux pour conserver leur emploi après la hausse du salaire minimum. La nature de leur travail va changer, on va leur demander d'être plus productif, mais ce petit groupe de travailleurs sera possiblement tout de même avantagé par une telle mesure.
C'est par contre une mauvaise nouvelle pour ceux dont le niveau de productivité est faible (et inférieur à 15$ l'heure), et à qui on vient essentiellement de dire qu'il est illégal pour eux de travailler. Eh oui, un salaire minimum veut dire, dans les faits, que l'on rend essentiellement illégal le travail de ceux dont la productivité est inférieure au niveau légal fixé, surtout quand cet écart est évident.
De plus, c'est une mauvaise nouvelle pour les propriétaires de petits commerces et leurs familles, dont les marges bénéficiaires réelles sont souvent infimes et qui devront travailler encore plus d'heures afin de remplacer des employés plus coûteux, tandis que ces derniers travailleront moins.
Dans plusieurs cas, les employés eux-mêmes n'y gagneront rien. Leur salaire horaire vient peut-être de monter, mais comme les revenus de l'entreprise n'ont pas augmenté, le patron devra réduire les heures de travail de tout le monde.
Enfin, à long terme, cela augmente l'incitation des entreprises à investir afin de diminuer les dépenses en salaire, ceci par le biais de l'automatisation et de la robotisation. On peut penser à des caisses sans préposés dans les supermarchés, ou des écrans tactiles pour commander son repas dans certains restaurants rapides. Ceci n'est pas forcément une mauvaise chose pour l'économie dans son ensemble, puisque la productivité augmente, mais cela va certainement dans le sens contraire de l'objectif «d'aider les petits travailleurs» que les promoteurs d'un salaire minimum élevé pensent atteindre.
D'ailleurs, lorsqu'il est question d'aider les petits travailleurs, les études sont formelles. Plusieurs études universitaires, dont la plus récente de Laura Giuliano de l'Université de Miami, montrent que les hausses du salaire minimum ont pour effet de remplacer les jeunes adultes sur le marché du travail par des adolescents de classes sociales plus élevées.
Les travaux de David Neumark, de l'Université de Californie à Irvine, et de William Washer, de la Réserve fédérale américaine, montrent pour leur part que les minorités visibles, nommément les noirs et les hispaniques, souffrent plus des hausses du salaire minimum que les travailleurs blancs et perdent plus souvent leurs emplois.
Répétons-le, il n'y a rien de gratuit. Sinon, les gouvernements n'auraient qu'à augmenter le salaire minimum à 20$ l'heure, ou pourquoi pas, à 30$…
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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