Santé: les solutions existent, appliquons-les
Voilà une nouvelle qui ne devrait pas nous surprendre, mais qui devrait nous choquer : depuis six ans, le système de santé québécois stagne et continue de performer moins bien que ceux du reste du Canada ou des autres pays du Commonwealth.
Pour ceux qui ont tendance à rejeter sans réfléchir toute conclusion venant de l'IEDM, précisons que cette information n'est pas tirée de nos travaux. Non, elle est tirée des recherches du Commonwealth Fund, un centre de recherche sur la santé mondialement connu.
On apprend dans cette étude qu'au Québec, 82 % des médecins de première ligne indiquent que leurs patients « doivent souvent attendre longtemps» avant d'avoir accès à un spécialiste. Ce pourcentage est de seulement 11 % aux Pays-Bas et 9 % en Suisse. Le Canada dans son ensemble ne fait guère mieux que le Québec, avec 70 %.
Seulement 13 % des médecins québécois indiquent que leurs patients peuvent obtenir un rendez-vous le jour même ou le suivant, contre 37 % en Ontario.
Dans tous les domaines mesurés, les résultats du Québec se situent pour la plupart en deçà de ceux du Canada et de l'Ontario, comme le mentionne dans l'article de La Presse le commissaire à la santé et au bien-être du Québec.
Pourquoi attend-on plus longtemps au Québec qu'en Suisse, en Allemagne, en France ou en Suède? La réponse, qui risque de déplaire aux groupes de pression qui luttent pour le maintien d'un monopole étatique inefficace, est : parce que le privé est exclu du système hospitalier au Québec. Parce qu'il manque de concurrence, d'information, de transparence et d'imputabilité.
Le temps moyen passé dans les urgences des hôpitaux publics au Québec est de 17,5 heures. Et au-delà de ces chiffres un peu abstraits, qui ne nous surprennent même plus, il y a des drames humains. Les listes d'attente dans le réseau de la santé au Québec et à travers le Canada sont un problème persistant qui nuit à la santé et à la qualité de vie des patients, comme en font foi plusieurs témoignages issus d'un court documentaire réalisé par l'IEDM en 2014.
Clairement, le monopole public ne fonctionne pas. Les dépenses publiques réelles en santé ont augmenté de 59 % au Québec depuis vingt ans, mais les délais d'attente médians pour une opération ont augmenté de… 145 %!
D'ailleurs, les défenseurs du statu quo aiment bien agiter l'épouvantail du système américain qui pousserait des familles non couvertes par une assurance à la faillite. Mais il faut réaliser qu'ici aussi, à cause des longues listes d'attente, des patients doivent s'endetter de dizaines de milliers de dollars, ou recourir à la charité de la famille ou des amis, pour se payer des soins essentiels.
En effet, les pertes de salaire estimées des patients en attente de traitement dans le réseau public de santé en 2013 étaient de 268 millions de dollars au Québec, et 1,1 milliard de dollars au Canada.
Pourtant, les idées de réforme ne manquent pas. Financement à l'activité, assurance privée duplicative (inexistante au Canada, mais présente dans plusieurs pays d'Europe), pratique mixte – publique et privée – pour les médecins, comme cela se fait presque partout ailleurs, et surtout, une saine concurrence entre des établissements publics et des établissements privés, comme ça se fait en Europe. Ces solutions n'empêchent par ailleurs aucunement de préserver la couverture universelle de notre système de santé, contrairement à ce que laissent souvent entendre les partisans du statu quo.
Les solutions existent. Il ne tient qu'à nos politiciens de les mettre en œuvre. D'ailleurs, on apprenait plus tôt cette semaine que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, met en marche une réforme pour changer le mode de financement des hôpitaux. En ce moment, ceux-ci reçoivent des budgets globaux sur une base historique — une anomalie dans le monde du financement des établissements de soin de santé à l'échelle internationale. La réforme vise à corriger cela et à mettre en place un financement à l'activité où chaque intervention est remboursée selon un tarif établi. Une manière plus efficace de financer les hôpitaux et d'assurer la qualité des soins, comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises dans nos publications sur le système de santé.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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