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Textes d'opinion

Un anachronisme nommé SAQ

Plus le temps passe, plus on constate à quel point le monopole de la SAQ, issu de l'époque de la prohibition, est dépassé.

Le gouvernement de la Saskatchewan a annoncé la semaine dernière qu'il allait privatiser 40 de ses 75 magasins de vente d'alcool. De plus, 12 nouveaux magasins privés seront créés dans des communautés qui n'ont pas ce service à l'heure actuelle.

Aussi, les commerces, comme les restaurants, bars et cafés, n'auront plus à passer par le monopole d'État comme au Québec pour acheter les vins et spiritueux qu'ils souhaitent offrir à leur clientèle. Ils pourront s'approvisionner directement auprès du détaillant de leur choix, qu'il soit privé ou étatique.

Cette réforme aura des conséquences très positives pour les Saskatchewanais : ils auront un plus grand choix de produits et profiteront de meilleurs prix. Ce qui est encore plus fondamental du point de vue des politiques publiques est que les changements annoncés, qui seront mis en œuvre après la prochaine élection provinciale, permettront au gouvernement de remettre en quelque sorte les priorités à la bonne place. Ce n'est pas à l'État de s'occuper de commerce au détail. Le gouvernement doit encadrer les marchés, mais laisser les entrepreneurs répondre au besoin des consommateurs.

Soulignons que l'Alberta aussi a privatisé son marché de l'alcool. Et plus de 20 ans plus tard, aucun politicien ne songe sérieusement à revenir en arrière. Pour deux raisons notamment : parce que les revenus de la vente d'alcool en Alberta sont toujours au rendez-vous pour l'État malgré la privatisation; et parce que le gouvernement n'a pas à se soucier de la gestion des employés, des succursales et des ententes commerciales auprès des fournisseurs. C'est comme avoir le beurre et l'argent du beurre!

Même la Colombie-Britannique a commencé à réformer son système cette année, un processus qui va graduellement inclure davantage de concurrence, permettre à des entreprises privées d'ouvrir des magasins de vins et de spiritueux, et rendre la réglementation plus souple et adaptée à la réalité d'aujourd'hui. Là aussi, les restaurants, bars et hôtels pourront désormais passer des ententes avec des sociétés autres que celles de la Couronne pour s'approvisionner.

Nous en sommes rendus là aussi au Québec. Enfin, nous devrions en être rendus là et nous aussi, être en train de faire des réformes semblables… C'est d'ailleurs ce que propose le rapport Robillard – non pas d'éliminer la SAQ, mais de permettre à des entrepreneurs privés de concurrencer ce monopole.

Les défenseurs du statu quo répètent que la SAQ verse un généreux dividende à l'État. Mais d'où vient ce généreux dividende? De nos poches de consommateurs captifs qui payons trop cher nos bouteilles. Il faut plus de concurrence. Il faut permettre à des cavistes de se lancer en affaires et de concurrencer la SAQ. Il faut aussi permettre aux gens d'acheter des bouteilles de partout dans le monde sur Internet, sans passer par cette société d'État – une aberration en 2015! Il faut aussi rendre les produits québécois et canadiens plus accessibles.

Gardons aussi en tête qu'un marché plus libre entraîne aussi plus d'innovation. Et je ne parle pas ici d'une carte fidélité offerte par un monopole… Non. Lorsqu'on s'intéresse au marché de la vente au détail d'alcool à l'extérieur de nos frontières, on constate que plusieurs nouveaux services spécialisés vraiment novateurs profitent aujourd'hui aux consommateurs dans des pays comme la France et les États-Unis, où la vente de vin est plus libre. Ces services sont en train de révolutionner la façon dont on consomme le vin.

Ni les arguments théoriques, ni les performances économiques ne justifient le maintien du monopole de la SAQ. Le système actuel non seulement pénalise les consommateurs québécois, mais ne présente aucun avantage pour le gouvernement qui pourrait obtenir les mêmes dividendes, peut-être même en tirer davantage, en libéralisant le commerce d'alcool.

Le temps des Fêtes s'en vient. Un grand nombre de Québécois vont se rendre à la SAQ pour s'assurer d'avoir ce qu'il faut pour célébrer. Ces célébrations coûteraient moins chers et seraient tout aussi agréables si nous n'étions pas des consommateurs captifs d'un monopole inefficace et dépassé.

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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