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Textes d'opinion

Les morts « climatiques » et la pauvreté

La Conférence de Paris sur les changements climatiques s’ouvre dans 5 jours et, inévitablement, les journaux se remplissent de nouvelles alarmantes sur les changements climatiques. L’AFP y va d’ailleurs d’une nouvelle liant les changements climatiques à 600 000 morts depuis 20 ans.

Le rapport de l’ONU qui est à la base de cette nouvelle ne dit pas que les changements climatiques sont responsables de ces morts. Par contre, les fonctionnaires de l’ONU laissent entendre qu’il y a un lien en appelant les nations du monde à réduire les émissions de GES. Ils ont entièrement raison sur ce point, plus de GES signifie plus d’événements météorologiques extrêmes. Par contre, il ne faut pas tomber dans l’alarmisme.

Les catastrophes climatiques d’ici 2100

Il est pertinent de souligner deux éléments pour contrer le catastrophisme. D’une part, le GIEC donne l’heure juste sur ce qu’on peut craindre comme dérèglements catastrophiques, en exposant leurs probabilités. En voici quelques-uns parmi d’autres, dont fait état le chapitre 4 du Guide pratique sur l’économie des changements climatiques :

  • Les sécheresses ont-elles augmenté d’intensité ou de durée depuis 1950 en raison des changements climatiques? Le GIEC répond « degré de confiance faible », c’est-à-dire qu’il y a une probabilité de seulement 20 % que ce soit le cas. D’ici la fin du siècle, par contre, ce serait probable à plus de 66 %.
  • Les épisodes de précipitations abondantes ont probablement déjà augmenté et, d’ici 2100, il y a plus de 90 % des chances que l’augmentation se poursuive.
  • L’augmentation d’activité des cyclones tropicaux, a contrario, n’offre pas autant de certitude. Comme pour les sécheresses, le GIEC fait état d’un degré de confiance faible. D’ici 2100, il y a plus de 50 % des chances qu’il y ait une augmentation.

Penser qu’on va tous mourir dans d’effroyables tempêtes tient davantage du bonhomme sept heures que de la réalité scientifique.

Les morts « climatiques » sont dues à… la pauvreté

D’autre part, la probabilité qu’il y ait des morts dans des catastrophes climatiques est plus influencée par le niveau de développement du pays touché que par les changements climatiques. Soyons clairs, le réchauffement global crée effectivement des conditions plus favorables aux catastrophes météorologiques, aux événements soudains, ou à la diffusion de certaines maladies qui peuvent entraîner des morts. Mais la probabilité qu’il y ait des morts dépend surtout de la vulnérabilité des populations.

L’article de l’AFP précisait que ce sont les pays pauvres qui subissent le gros des dommages dus aux changements climatiques, dont 89 % des décès. Il en découle que le développement économique représente le meilleur moyen de réduire les impacts négatifs des changements climatiques en termes relatifs et de réduire le bilan en vies humaines perdues. D’ailleurs, c’est parce que l’humanité s’est considérablement enrichi durant le dernier siècle qu’on estime que les décès dus au climat ont diminué de 98 % depuis 1920.

En 2008, le cyclone Nargis a frappé le Myanmar et on estime qu’il a causé 138 000  des 600 000 décès répertoriés dans le rapport de l’ONU. Travailler à diminuer nos émissions de GES pour qu’il y ait moins de cyclones, c’est une possibilité.

L’autre possibilité, c’est bien sûr de lutter contre la pauvreté et de poursuivre le développement économique pour que les populations soient moins vulnérables. Un exemple concret est la comparaison de deux événements tragiques, l’ouragan Katrina qui a frappé les États-Unis en 2005 et le cyclone tropical qui a frappé le Golfe du Bengale en 1970. Ces deux tempêtes de catégorie 3 ont menacé des populations de taille comparable, mais on estime qu’il y a eu 150 fois moins de morts aux États-Unis, où le niveau de richesse permet de supporter des technologies, des infrastructures et des institutions qui réduisent la vulnérabilité aux changements climatiques.

En fait, ces deux possibilités doivent aller de pair.

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

Lire le billet sur le site du Journal de Montréal

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