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Le Point – Tragédie grecque : le résultat d’une irresponsabilité budgétaire de longue date

Dans les discussions sur la crise en Grèce, la question de la responsabilité des Grecs de s’être mis dans cette situation est souvent évacuée. Ce Point vise à rappeler que la tragédie grecque qui se déroule sous nos yeux n’est pas arrivée du jour au lendemain. Bien qu’elle soit surprenante par son ampleur, cette crise est le résultat d’une longue histoire de déficits budgétaires et de choix ruineux en matière de dépenses publiques. Le gouvernement grec vit en effet au-dessus de ses moyens depuis très longtemps.

Communiqué de presse : Tragédie grecque : l’irresponsabilité budgétaire au cœur du problème
 

En lien avec cette publication

Greece’s economic lessons for us (National Post, 14 juillet 2015) Entrevue avec Mathieu Bédard (Première heure, Radio-Canada, 6 juillet 2015) Entrevue avec Mathieu Bédard (Salut, bonjour!, TVA, 9 juillet 2015)

Débat avec Mathieu Bédard (À la une, canal ARGENT, 6 juillet 2015)

Entrevue avec Mathieu Bédard (Réseau de nouvelles LCN, 29 juin 2015)

Le Point – Tragédie grecque : le résultat d’une irresponsabilité budgétaire de longue date

Dans les discussions sur la crise en Grèce, la question de la responsabilité des Grecs de s’être mis dans cette situation est souvent évacuée. Plusieurs commentateurs pointent même du doigt les créanciers comme étant principalement responsables des malheurs des Grecs, à cause des réformes et restrictions budgétaires qu’ils exigent du gouvernement grec en échange des prêts additionnels que demande celui-ci pour maintenir l’économie du pays à flot.

Ce Point vise à rappeler que la tragédie grecque qui se déroule sous nos yeux n’est pas arrivée du jour au lendemain. Bien qu’elle soit surprenante par son ampleur, cette crise est le résultat d’une longue histoire de déficits budgétaires et de choix ruineux en matière de dépenses publiques. Le gouvernement grec vit en effet au-dessus de ses moyens depuis très longtemps.

Des déficits et une dette hors de contrôle

Au cours des 25 dernières années, le gouvernement grec a enregistré un déficit budgétaire moyen équivalent à 9,5 % du PIB – soit presque trois fois la moyenne des pays de la zone euro –, avec un sommet à 23,3 % en 1990. Le simple trou budgétaire de la Grèce, cette année-là, représentait donc l’équivalent du quart de la richesse produite dans le pays durant toute l’année. Les critères de convergence du Traité de Maastricht, que sont censés respecter les pays qui font partie de la zone euro ou qui souhaitent l’intégrer, limitent les déficits publics à 3 % du PIB. Cette limite a été très largement dépassée par la Grèce (voir Figure 1).

Ces déficits n’étaient pas toujours apparents dans les statistiques nationales, ce qui a permis à la Grèce d’accéder à la zone euro en 2001 même si elle ne satisfaisait pas aux critères. La Grèce a une riche tradition de falsification de ses comptes nationaux. Les gouvernements de toute allégeance cachaient par exemple le poids de leurs dépenses militaires, ou surestimaient les revenus de leur sécurité sociale, chaque fois à coup de centaines de millions d’euros(1).

Aujourd’hui, la dette représente plus de 177 % du PIB grec(2). Les critères de Maastricht stipulent que la dette ne devrait pas dépasser 60 % du PIB.

L’économie grecque, avant la crise financière de 2007-2008 et avant que le trou béant de ses finances publiques ne soit révélé en 2009, a connu une forte croissance. Le PIB par habitant a connu une augmentation de 66 % en huit ans seulement durant cette période, passant de 13 000 euros à près de 22 000 euros par année. Malgré l’effondrement économique des dernières années, il reste plus élevé aujourd’hui qu’il l’était en 2000 (voir Figure 2).

Cette forte croissance en partie stimulée artificiellement par l’endettement était insoutenable. Les Grecs paient maintenant le prix des largesses de leur gouvernement.

D’autres pays d’Europe ont traversé des crises graves et ont su faire les sacrifices nécessaires. La Lettonie, par exemple, a été l’un des pays les plus durement touchés par la crise économique de 2008-2010 et s’en est sortie rapidement en réduisant ses dépenses publiques d’un montant supérieur à 15 % de son PIB(3).

Les institutions et gouvernements européens, ainsi que le Fonds monétaire international, ne sont pas responsables des choix faits par les Grecs. En revanche, ils sont pleinement responsables de leurs choix de prêter à un État qui n’a jamais eu la volonté de se réformer. Les créanciers institutionnels de la Grèce ont aujourd’hui de la difficulté à trouver une solution à cause de considérations géopolitiques et par crainte de créer un précédent qui serait aussitôt exploité par d’autres pays européens très endettés comme l’Espagne et l’Italie.

Conclusion

La situation ayant mené à la crise des finances publiques grecques est le résultat d’une longue histoire d’irresponsabilité budgétaire. Des déficits hors de contrôle se sont accumulés au cours des années et cette dette est aujourd’hui probablement devenue trop importante pour être remboursée dans sa totalité. Même en tenant compte du 3e plan d’aide annoncé cette semaine, les Grecs, de même que les contribuables des autres pays européens, devront malheureusement subir les conséquences de cette incurie pendant encore plusieurs années. Un cas extrême qui devrait servir de leçon à tous ceux qui, au Québec ou ailleurs, considèrent que l’endettement n’est pas un problème : si l’on veut véritablement garder le contrôle sur sa destinée, il faut éviter de trop s’endetter.

Ce Point a été préparé par Mathieu Bédard, économiste à l’IEDM. Il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques d’Aix-Marseille Université, et d’une maîtrise en Analyse économique des institutions de l’Université Paul Cézanne.

Références

1. Tony Barber, « Greece condemned for falsifying data », Financial Times, 12 janvier 2010; Gunther Hanreich, « Eurostat takes issue with former Greek PM on reasons for the revision of economic data », Financial Times, 28 décembre 2004.
2. The Economist Intelligence Unit, Country data, Public debt, 2014.
3. Fond monétaire international, Republic Of Latvia: First Post-Program Monitoring Discussions, IMF Country Report no 12/171, 25 juin 2012, p. 3.

 

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