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Textes d'opinion

Les entreprises paient-elles leur juste part d’impôt?

Un citoyen m’envoyait récemment, ainsi qu’a plusieurs autres personnes, une note portant sur plusieurs sujets, dont l’argument (récurrent) selon lequel « les entreprises ne paient pas leur juste part d’impôt ».

Voici ce que je lui ai répondu:

Cher Monsieur,

En fait, au final, les entreprises ne paient pas d'impôt. Jamais. Elles ne sont qu'une fiction juridique, par ailleurs utile pour des fins contractuelles, opérationnelles et de continuité.

Je vous mets au défi d’aller luncher avec la « Banque de Montréal », ou encore d’essayer de prendre une bière avec « Couche-tard », vous n'y arriverez pas.

Quand elles « payent » des impôts, l'un ou l'autre des 4 phénomènes suivants se produit:

A) l’entreprise transfère le coût de ces impôts à ses clients sous la forme de prix plus élevés, quand la dynamique de la concurrence le lui permet par ailleurs,

Ou

B) elle diminue la rémunération de ses actionnaires, lesquels sont ultimement des personnes physiques (même si certains actionnaires peuvent initialement être eux-mêmes des fonds d'investissement ou des firmes de gestion),

Ou

C) elle diminue la rémunération de ses travailleurs,

Ou

D) une combinaison de A), B) et/ou C).

L'expérience empirique concrète, et je vous réfère ici à la revue de la littérature scientifique réalisée par l’IEDM en décembre 2010 et disponible sur notre site Web, est que c'est surtout le phénomène C) qui se produit car les clients et les actionnaires sont généralement plus « mobiles ».

Bref, demander que « les entreprises paient plus d'impôt » revient, essentiellement, à demander de diminuer le salaire des travailleurs. Or je présume que cela est exactement le contraire de l’effet que vous voudriez obtenir…

Si c'est plus de redistribution coercitive des revenus par le biais de la force brute de l’État que vous recherchez, le bon mécanisme à utiliser est la hausse de l'impôt sur le revenu des particuliers et non celle de l'impôt des entreprises. Une telle approche comporte aussi son lot d'effets pervers et de problèmes, mais vous vous rapprocheriez au moins davantage de votre objectif initial: faire payer les « méchants riches ».

Ce que je prends la peine de vous expliquer ici n'est nullement de la « théorie de droite néolibérale ». Les pays scandinaves ont compris cela depuis longtemps et prélèvent des impôts corporatifs minimaux mais des impôts élevés sur les tranches supérieures des revenus des particuliers depuis plusieurs décennies.

Bonne réflexion!

Cordialement,
Michel Kelly-Gagnon

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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