Quelques réponses sur la dette
Gérard Bouchard, un historien et sociologue de grand renom, pose une série de questions fort pertinentes à propos de la dette publique de l'État québécois et, plus généralement, sur «les politiques d'austérité» («Des questions sur la dette», La Presse, 12 décembre).
Sans chercher à répondre à toutes ses questions, point par point, il est utile de partager quelques faits et perspectives.
– Le gouvernement Couillard envisage la possibilité (il ne s'agit à ce stade que d'un objectif) de réduire ses effectifs totaux de… 2%. On peut difficilement parler d'une hécatombe.
– Le gouvernement Couillard tente de réduire le rythme d'accélération des dépenses de l'État québécois. Il faut le répéter, et le répéter encore, on parle donc ici, dans le meilleur des cas (ou le pire des cas, selon le point de vue), d'une réduction de l'augmentation des dépenses et non d'une diminution en termes absolus.
– Qu'il existe plusieurs façons de calculer la dette est une chose parfaitement normale. Le Vérificateur général inclut lui-même dans son rapport annuel différents calculs afin de nous aider à cerner différentes réalités. Une chose est toutefois certaine, le Québec est, sans l'ombre d'un doute, la province la plus endettée au Canada. Que la dette du Portugal ou de la Grèce soit encore plus imposante que celle du Québec n'est pas très pertinent.
– Le vrai problème, au fond, est qu'il existe, en plus de la dette publique formelle, une autre forme d'endettement qui se superpose à celle-ci: les engagements de l'État à payer les prestations d'une foule de programmes sociaux. Par exemple, les dépenses liées au Régime des rentes du Québec, à la Société d'assurance automobile du Québec, au Régime québécois d'assurance parentale, etc. Si l'on tient compte de ce type d'engagements, la «dette» totale du Québec devient alors franchement inquiétante, et ce, même dans les hypothèses les plus optimistes. Bien que les programmes sociaux ne représentent pas une dette à proprement parler, puisqu'on peut toujours en modifier la nature, il faudra vraisemblablement, pour les maintenir, hausser les cotisations des employés et employeurs, et/ou en réduire les prestations.
– D'autres facteurs conjoncturels comme le vieillissement de la population et la hausse probable des taux d'intérêt dans un proche avenir auront pour effet d'augmenter le coût du service de la dette.
– Il est vrai que l'État québécois est propriétaire de nombreux actifs. Les seuls actifs «liquides» sont cependant les actifs financiers nets, qui se chiffraient à 16,3 milliards$ au 31 mars 2014, ce qui est minime par rapport à la dette totale, peu importe comment on la calcule. Les infrastructures (routes, écoles, parcs nationaux, etc.) peuvent difficilement être évaluées à leur valeur marchande et il est fort peu probable qu'elles soient vendues pour rembourser la dette. C'est d'ailleurs pourquoi ni le gouvernement ni le Vérificateur général n'en tiennent compte lorsqu'ils s'efforcent de peindre un portrait réaliste de la dette. Ces actifs font certes partie du patrimoine, mais ils ne réduisent en rien la facture totale – ni les intérêts croissants – que les contribuables québécois doivent payer chaque année.
– Quant à la question complexe de ce qu'il faudrait faire pour «relancer l'économie», notons une réalité élémentaire: l'argent que dépense l'État provient en fait du labeur des travailleurs et des entrepreneurs. Bref, quand l'État «stimule» l'économie en dépensant des milliards, il faut toujours garder à l'esprit que cette même économie a en fait subi une ponction préalable. Le Québec pourrait favoriser davantage la création de richesses en valorisant le travail, l'épargne et l'investissement, ce qui présuppose notamment un fardeau fiscal compétitif par rapport aux autres régions nord-américaines, et non pas par rapport à la Finlande ou encore la Suède.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.