L’éolien a la tête dans les nuages
Cette semaine se tient le 8e colloque de l’industrie éolienne, à Gaspé. Dans un reportage de TVA, des intervenants contestent mon analyse du coût astronomique de la filière éolienne pour les consommateurs d’électricité québécois.
Je prends donc la peine d’expliquer de nouveau mes calculs pour ramener tout ce beau monde sur terre, bien que le reportage de Michel Morin était très clair. D’abord, Dave Lavoie, directeur du Créneau Éolien ACCORD, semble croire qu’à 9¢ le kilowatt-heure, les nouveaux projets éoliens constituent une aubaine inouïe. Après tout, ce serait même moins cher que les projets de barrages sur La Romaine.
Malheureusement pour nous tous, ce prix de 9¢ ne concerne que le coût d’approvisionnement. Or, avant de vendre l’électricité ainsi acquise, Hydro-Québec doit encore intégrer cette énergie à son réseau, la transporter, la distribuer et subir des pertes d’énergie sur son réseau. En fin de compte, on se retrouve avec un coût total avoisinant les 14¢ par kilowatt-heure effectivement vendu, à un prix de vente d’environ 5,8¢!
En bref, chaque fois qu’Hydro-Québec achète un kilowatt-heure éolien, la société d’État y perd plus de 8¢. Et comme le gouvernement la contraint à acheter toute la production, les coûts d’exploitation d’Hydro-Québec augmentent et sont refilés à tous les consommateurs d’électricité, c’est-à-dire vous et moi (et Dave Lavoie)!
Ce dernier affirme que « les projets sont très rentables ». Pour les producteurs éoliens, certainement. Pas étonnant puisque leur client est obligé d’acheter la production au-dessus du prix du marché. Dans ces conditions, c’est facile de faire de l’argent. Mais est-ce que c’est rentable pour les Québécois?
Selon Frédéric Côté, le Directeur général du Technocentre éolien, ça l’est. La Commission sur les enjeux énergétiques du Québec avait en bonne partie confirmé dans son Rapport l’analyse de notre Note économique. Mais M. Côté souligne que la Commission n’a pas pris en compte les retombées économiques basées sur les emplois et les exportations de composantes.
Ici, il faut faire attention de ne pas conférer à l’industrie éolienne, qui reçoit des subventions de 695 millions de dollars par année, les mêmes bénéfices que d’autres activités économiques. Sans cette subvention, les tarifs d’électricité seraient plus bas et les Québécois disposeraient de plus argent dans leurs poches pour stimuler d’autres secteurs économiques. Subventionner l’éolien, c’est d’abord enlever des sous à d’autres industries qui n’embaucheront donc pas autant, qui n’investiront pas autant et qui n’exporteront pas autant.
Soyons clément, les « retombées économiques » existent sans doute pour la Gaspésie. Elles suppriment toutefois autant sinon plus de ces mêmes « retombées » dans d’autres industries situées ailleurs au Québec. Pas de quoi pavoiser.
C’est la même logique que d’ouvrir une cimenterie à Port-Daniel pour voir d’autres cimenteries québécoises réduire leur production, leurs embauches ou leurs investissements. L’histoire se répète.
Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.