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Textes d'opinion

La Commission Charbonneau et la transparence syndicale

À la Commission Charbonneau, on en entend des vertes et des pas mûres sur certains syndicats de l’industrie de la construction, principalement la FTQ-Construction et l’Internationale. Ceux-ci se font écorcher par les témoignages de plusieurs membres de syndicats eux-mêmes. On a appris, entre autres, que certains hauts gradés syndicaux vivaient la grosse vie, avec des comptes de dépenses exorbitants, aux frais des syndiqués. Ceci étant dit, certains problèmes peuvent parfois paraître pires qu’ils ne le sont réellement en raison de l’effet naturel d’amplification généré par la dynamique médiatique.

Encore la semaine dernière, on apprenait que des grutiers auraient été payés à ne rien faire pendant deux ans. Que sur plusieurs chantiers, des entrepreneurs doivent « acheter » la paix syndicale à coups de dizaines de milliers de dollars en argent liquide. Et que l’intimidation serait monnaie courante.

Ces témoignages nous rappellent qu’un projet de loi (C-377), déposé il y a plus d’un an par le député fédéral Russ Hiebert et qui vise à favoriser plus de transparence financière de la part des organisations syndicales en rendant publics leurs états financiers, fait tranquillement (et difficilement) son chemin au Parlement.

Ce projet de loi permettrait aux syndiqués québécois d’avoir facilement accès, de manière anonyme, aux détails relatifs à l’utilisation des centaines de millions de dollars versés annuellement via leurs cotisations syndicales. Et de s’assurer que cet argent est utilisé principalement pour la négociation des conditions de travail de travailleurs, et non pour tenter d’influencer le résultats de campagnes électorales ou de débats sociaux, par exemple, comme c’est déjà arrivé dans le passé.

Rappelons aussi qu’un sondage Nanos de 2011 révélait que 95 % des Québécois sont en faveur de la divulgation des finances syndicales, une proportion en fait encore plus forte que dans le reste du Canada.

Toutefois, il faut vraiment être prudent avant de réclamer plus de réglementations ou plus de contrôles par l’État, car il y en a déjà beaucoup! D’ailleurs, les syndicats ont un argument tout à fait valide à l’encontre de ce projet de loi : en tant qu’organisations privées, les centrales syndicales ne devraient pas être soumises à un fardeau réglementaire les obligeant à dévoiler chaque dépense dans le menu détail.

Mais gardons aussi en tête l’argument de base qui a mené à la formule Rand (qui permet à un syndicat de prélever à la source des cotisations obligatoires par ses membres). Puisque l’ensemble des gens tirent bénéfice des conditions négociées par le syndicat, tous ceux qui sont couverts par le contrat de travail doivent verser leur cotisation.

Si l’argument est valable, il est par contre difficilement transférable pour essayer de favoriser tel ou tel politicien, ou de prendre parti pris, par exemple, pour des associations étudiantes contre le gouvernement provincial en place.

Notons enfin qu’avec un tel « pouvoir de taxation » des syndicats octroyé par l’État envers les travailleurs visés, vient une certaine responsabilité de transparence.

De ce qui précède, il me semble qu’il faille trouver un compromis honorable. Par exemple, l’on pourrait limiter les obligations de divulgation aux dépenses de nature plus politique ainsi qu’aux salaires des principaux dirigeants syndicaux. Ainsi, au lieu d’imposer un fardeau réglementaire sur les organisations syndicales en exigeant d’elles qu’elle doivent consigner et rapporter leurs dépenses dans un grand nombre de domaines, l’on pourrait le rendre plus léger et mieux gérable, tout en favorisant par ailleurs une divulgation pertinente dans quelques domaines clés.

Ce projet de loi ne sera d’ailleurs pas débattu avant ce printemps, selon Postmedia News. La dernière fois que le projet de loi fut débattu, certains sénateurs conservateurs se sont ligués avec l’opposition pour mettre des bâtons dans les roues de cette initiative. Une version amendée fut retournée à la Chambre des communes, puis le projet de loi était de retour au Sénat après la prorogation de la session parlementaire. Bref, on n’attend pas un vote final avant l’automne prochain, selon l’article en lien. Espérons que les pistes que je propose ici puissent constituer un compromis honorable.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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