Où en est le débat sur le projet d’inversion de la canalisation 9B d’Enbridge?
Les consultations publiques de l’Office national de l’énergie pour le projet d’inversion de la canalisation 9B d’Enbridge viennent de s’achever. Ce projet est clairement dans l’intérêt du Québec dans la mesure où un approvisionnement régulier et relativement bon marché de pétrole brut en provenance de l’ouest contribuera non seulement à développer les activités de raffinage au Québec, mais également à assurer la vitalité d’un riche écosystème industriel dans le secteur de la pétrochimie dans l’est de Montréal.
Malgré ces avantages indéniables, un certain nombre de préoccupations au sujet de la sécurité du projet ont émergé dans les média du Québec.
Il est important de rappeler aux Québécois que l’oléoduc qui nous permettra d’importer du pétrole de l’ouest au Québec existe déjà et qu’Enbridge ne construira pas un nouvel oléoduc. La compagnie ne propose en effet que d’inverser l’écoulement de la Canalisation 9 pour qu’elle reprenne sa direction initiale.
En effet, après la construction de l’oléoduc, le pétrole s’écoulait de l’ouest vers l’est. La décision fut pourtant prise de renverser, à partir de 1998, le sens de l’écoulement du pétrole pour alimenter les raffineries du sud de l’Ontario en pétrole brut importé de l’est. Le procureur du gouvernement du Québec avait alors déclaré en 1997, lors des consultations sur le projet de renversement devant l’Office national de l’énergie (ONÉ) :
« Le Québec estime que si les conditions du marché rendaient de nouveau économiquement attrayant l’approvisionnement en brut canadien, qu’il soit de type conventionnel ou synthétique, il ne serait que juste et équitable que la canalisation 9, qui était historiquement conçue pour desservir les besoins du Québec, lui permette à nouveau l’accès rapide aux réserves pétrolières canadiennes. »
Or, c’est précisément la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Le débit va certes être augmenté et il faut s’assurer que le transport du pétrole se fasse de la manière la plus sécuritaire possible. Mais il faut souligner le fait qu’il s’agit du même oléoduc qui transporte actuellement en toute sécurité du pétrole de l’est vers l’ouest.
Contrairement à ce qu’affirment les critiques du projet, le bitume dilué qui sera transportée dans la canalisation 9 ne sera pas plus corrosif que le brut classique actuellement importé de l’étranger.
Une étude récente du National Research Council des États-Unis arrive à la conclusion suivante : « The committee that produced the report did not find any pipeline failures unique to the transportation of diluted bitumen or evidence of physical or chemical properties of diluted bitumen shipments that are outside the range of those of other crude oil shipments ».
D’autres critiques évoquent le fait que l’oléoduc d’Enbridge est vieux puisqu’il est en fonction depuis 40 ans. Or, l’âge d’un pipeline n’est pas en soi un motif de préoccupation si la compagnie responsable exerce un entretien et une surveillance suffisants. Ainsi l’oléoduc Portland-Montréal transporte en toute sécurité du pétrole du port de South Portland dans le Maine vers Montréal depuis 72 ans.
Le débat public sur le projet d’Enbridge devrait se concentrer sur les faits et ne pas être pris en otage par ceux dont le véritable objectif est de bloquer la production de sables bitumineux de l’Alberta et de « libérer » les Canadiens d’une soi-disant dépendance au pétrole. Il s’agit là d’une toute autre discussion qui ne devrait pas « polluer » le débat sur le projet d’inversion de la canalisation 9B.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.