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Textes d'opinion

Le ministère du Tourisme et les chambres à coucher

Les touristes français, avec leurs préconceptions pittoresques de leurs cousins québécois, sont friands du concept « coucher chez l'habitant ». Au lieu d'aller à l'hôtel, Mathilde et Jules pourront rencontrer Ginette et Raymond qui les accueilleront chez eux! Aujourd'hui, avec des sites en ligne, tout cela s'arrange très facilement.

Pour plusieurs, c'est une occasion de rencontrer des gens et d'avoir un petit revenu supplémentaire. Laissez-moi verser un brin dans les clichés en ajoutant que pour certains retraités, c'est même une solution idéale à l'isolement social et à un revenu de retraite fixe. J'ai moi-même fait l'expérience d'une nuitée chez l'habitant, dans les Laurentides, et j'en garde un excellent souvenir.

Mais attention, cette pratique est interdite!

La loi stipule qu'un « établissement d'hébergement touristique » a l'obligation de détenir une certification, délivrée par la Corporation de l'industrie touristique du Québec (CITQ).

Le règlement qui accompagne cette loi précise qui doit être certifié, et qui est exempté. Par exemple, une chambre très zen peut être exemptée selon l'article 8 exemptant les établissements « meublés rudimentaires ». Pour les wigwams par contre, l'article 6 est moins clair.

Quel mal y a-t-il à ce qu'une personne loue une chambre à des touristes? Là où le bât blesse, c'est que certains se conforment à la loi et sont certifiés comme gîte ou « Bed-and-Breakfast » et d'autres, non.

Pour qui veut passer à travers les multiples étapes du processus, remplir les formulaires, fournir la preuve de conformité à la réglementation municipale d'urbanisme, contracter une assurance responsabilité civile d'au moins deux millions de dollars, puis payer au moins 265 $ par année, la certification présente certains avantages. Elle peut être présentée comme une garantie de qualité et permettre une certaine publicité. Certains s'enregistrent toutefois non pas en raison de ces avantages, mais parce qu'ils sont tenus de le faire. C'est précisément cette obligation ne fait pas de sens.

Pour ceux qui ne veulent pas de certification, il est certainement difficile de comprendre qu'on ne puisse pas louer ses propres chambres à d'autres adultes consentants en toute liberté. Pourquoi le ministère du Tourisme viendrait-il se mettre le nez dans nos chambres à coucher?

On se doute de la réponse: le lobbyisme de l'Association des hôteliers du Québec, qui dénonce cette concurrence, y est probablement pour quelque chose. C'est pourquoi le ministre du Tourisme promet de sévir et de poursuivre en justice les gens qui s'aventurent à louer leurs chambres sans la bénédiction des fonctionnaires.

Cette décision est décevante, mais reflète la propension du gouvernement à s'immiscer partout. Dans ce cas-ci, il est aussi plus facile pour un ministre de satisfaire une association bien organisée qu'une constellation d'individus sans organisation et souvent inconscients de l'illégalité de leurs gestes.

Je connais personnellement le ministre Pascal Bérubé et certains de ses collaborateurs. J'aurais apprécié qu'il défende les citoyens qui utilisent leurs propres biens comme cela leur plaît. Encore mieux, j'aurais aimé voir un geste concret du ministre pour rendre volontaire cette certification.

Cela ne veut pas dire que personne ne voudra de la certification, qui offre des avantages, rappelons-le. Cela signifierait seulement que Ginette et Raymond pourront toujours recevoir leurs étonnants visiteurs français en toute quiétude, sans déroger à une loi plutôt mesquine.

Youri Chassin est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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