Attendre 15 minutes à l’urgence, c’est possible
Depuis sa création, l'Institut économique de Montréal (IEDM) a publié de nombreuses études portant sur les rouages du système de santé canadien et proposé des pistes de réformes possibles en s'inspirant de l'expérience d'autres pays.
Après la Suède, la France et l'Allemagne, l'IEDM s'est penché récemment sur le cas de la Suisse et est allé voir comment sont livrés les soins de santé dans les hôpitaux de ce pays de quelque 8 millions d'habitants.
En Suisse, l'organisation du système de santé a évolué dans le sens opposé à celui du Canada, où la tendance a plutôt été celle d'une réglementation et d'un financement public de plus en plus centralisés.
Depuis 1994, les Suisses peuvent choisir librement leur fournisseur d'assurance maladie – en plus de leurs établissements de soins de santé et de leurs médecins. Cela favorise un haut niveau de concurrence entre les 90 assureurs privés – tous à but non lucratif – sur le plan des prix et de la qualité des services.
Il n'existe pas de ministère fédéral de la Santé. Chaque canton s'occupe de l'organisation des soins sur son territoire de façon indépendante et s'assure que tous ses habitants disposent d'une couverture médicale de base. En 2010,environ le tiers des citoyens du pays ont reçu une assistance financière du gouvernement pour réduire leur prime d'assurance.
Le secteur privé occupe une place importante dans le paysage hospitalier en Suisse, où 40 % des hôpitaux sont privés. Les citoyens disposent d'une grande liberté dans le choix de leur prestataire de soins et y demeurent fortement attachés. Seuls 8 % d'entre eux seraient prêts à renoncer au libre choix si cela pouvait faire baisser les coûts du système de santé.
La rapidité avec laquelle les patients sont pris en charge est spectaculaire. L'attente est à toute fin pratique inexistante, comme en font foi les plus récentes données de l'enquête internationale du Commonwealth Fund. Au cours de la dernière année, seulement 4% des Suisses ont dû attendre 6 jours ou plus avant de pouvoir rencontrer un médecin lorsqu'ils en ont eu besoin, alors que 40 % des Québécois ont été forcé de patienter aussi longtemps. Avant de pouvoir obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste, il fallait en moyenne 11 jours à un patient suisse et 78 jours à un patient québécois, en 2011.
Une critique souvent émise à l'endroit du système de santé suisse veut qu'il s'agisse d'un système coûteux. Or, la part de la richesse collective de la Suisse consacrée à la santé est inférieure à celle du Québec. En 2009, les dépenses totales de santé représentaient 11,4 % du PIB de la Suisse et 12,6 % du Québec. Ces chiffres sont cependant trompeurs dans la mesure où le pourcentage de la population âgée de 65 ans et plus est nettement plus élevée en Suisse (17,8 %) qu'au Québec (15,4 %).
Et force est de constater que les Suisses en reçoivent plus pour leur argent. Par exemple, comparativement au Québec, la Suisse possède deux fois plus d'appareils d'imagerie médicale et près de 60% plus de lits d'hôpitaux par millier d'habitants, sans compterun nombre beaucoup plus élevé de médecins et de personnel infirmier.
Les réformes s'inspirant de mécanismes de marché ont apporté des améliorations bien concrètes au système de santé et très peu de gens en sont insatisfaits. Selon un sondage récent, 71 % des citoyens souhaitent que le système de santé s'oriente encore davantage vers des solutions de marché, contre à peine 22 % qui souhaitent un plus grand contrôle de l'État.
Somme toute, l'expérience de la Suisse montre encore une fois que le secteur privé peut contribuer, de façon constructive et efficace, à l'offre de servicesdans un système de santé public, sans menacer les objectifs d'équité et d'universalité dans l'accès aux soins.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.