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Textes d'opinion

Si les syndicats veulent bénéficier de l’appui de l’État, ils doivent en contrepartie faire preuve de transparence

Traduction d’un texte d’opinion publiée en exclusivité sur ce site.

Ceux qui habitent au Québec auront probablement vu la campagne des « compteurs en or » du syndicat d’Hydro-Québec, qui s’oppose à l’instauration de compteurs d’électricité permettant la lecture à distance de la consommation. Il y a aussi la Coalition nationale des Sans-Chemise qui revendique des changements à l’assurance-emploi durant les campagnes électorales fédérales, ou l’Alliance sociale qui défend une certaine vision des services publics.

En Ontario, le groupe militant Working Families, appuyé par plusieurs organisations syndicales, a fait les manchettes avec ses attaques contre les conservateurs lors de la récente campagne électorale, comme lors de celles de 2003 et 2007.

Voilà des exemples où les syndicats font preuve d’activisme politique et dépensent les cotisations syndicales – obligatoires – qu’ils prélèvent pour des causes sans lien direct avec la négociation des conditions de travail, et, parfois, contre la volonté de certains de leurs membres.

Il est cependant impossible d’avoir un portrait d’ensemble de ces activités et de la part des cotisations allouée à des causes politiques et idéologiques puisque les états financiers des syndicats n’ont pas à faire cette distinction et ne doivent être remis qu’aux membres qui en font la demande. Par exemple, il est pour le moins ironique qu’une journaliste canadienne ait dû consulter un site du gouvernement américain mettant en ligne les données financières des syndicats pour pouvoir connaître les dépenses de publicité du Syndicat des Métallos au dernier congrès du NPD, ici, au Canada.

Pourtant, avec la formule Rand, et compte tenu d’autres privilèges fiscaux qui leur sont octroyés, les syndicats disposent envers les salariés visés d’un pouvoir indirect de taxation accordé par le Code du travail, et donc par l’État. Outre l’État, les syndicats sont parmi les rares organisations à pouvoir compter sur un tel financement obligatoire. Les entreprises privées et les organismes de bienfaisance, pour leur part, comptent toujours sur un financement volontaire. Par conséquent, il est logique que ce privilège financier inusité qu’est la formule Rand s’accompagne d’une transparence financière au moins égale à celle qu’on exige des organisations publiques.

C’est du moins ce que croient 83 % des Canadiens et 86 % des employés actuellement syndiqués. En effet, dans un sondage publié par InfoTravail le mois dernier, les Canadiens se sont quasi unanimement déclarés d’accord avec l’idée qu’on exige que les syndicats donnent accès à leurs renseignements financiers.

Dans cet esprit, il ne faut pas se surprendre que deux projets de loi aient vu le jour récemment pour remédier au manque de transparence actuel. Notamment, un projet de loi présenté à la Chambre des communes demande justement aux syndicats de dévoiler leurs états financiers à la population. Ce projet de loi privé du député conservateur Russ Hiebert exige de séparer les activités liées aux relations de travail des activités politiques et sociales, une distinction d’ailleurs proposée par une étude de l’Institut économique de Montréal en février dernier. Du côté de l’Assemblée nationale, le projet de loi 33 éliminant le placement syndical dans la construction prévoit aussi de rendre publics les états financiers des syndicats de ce secteur.

On ne peut que se réjouir de ces initiatives pertinentes et conformes aux souhaits tant de la population que des syndiqués. Ces derniers en seront d’ailleurs les premiers bénéficiaires en ayant des états financiers fiables accessibles facilement et de manière anonyme. Ils seront aussi informés clairement de la façon dont sont dépensées leurs cotisations syndicales.

Par contre, une organisation syndicale pourrait légitimement vouloir conserver son information financière loin du regard du public ou de ses concurrents. Cette option devrait être prévue par la loi, mais dans ce cas, le syndicat devrait se financer comme les autres organisations privées, c’est-à-dire sur une base volontaire et donc en renonçant à la formule Rand.

Les privilèges spéciaux dont bénéficient les syndicats doivent s’accompagner de responsabilités accrues. Autrement dit, le pouvoir de financement obligatoire de la formule Rand doit être contrebalancé par le respect, de la part du syndicat, d’une obligation de transparence par rapport à ses membres et à la population..

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’Institut économique de Montréal.

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