Pourquoi nier la liberté de choix du travailleur?
Article publié en exclusivité sur le site de l’Institut économique de Montréal.
Réplique à Serge Morin, directeur adjoint du Syndicat canadien de la fonction publique
Malgré ses récriminations au sujet du texte que j’ai signé à propos du modèle de syndicalisation québécois – qui découlent en grande partie d’une lecture superficielle de ce dernier –, je remarque que M. Morin n’explique pas pourquoi un travailleur devrait être forcé de devenir membre d’un syndicat et pourquoi il devrait être obligé de payer la partie de sa cotisation syndicale qui sert à d’autres fins que la négociation collective.
En effet, l’argument du resquillage (ou « free-riding ») ne s’applique aucunement à la partie de la cotisation qui sert à financer les activités politiques et idéologiques d’un syndicat. C’est une distinction fondamentale qui est reconnue dans les 47 pays du Conseil de l’Europe (en vertu de la décision Evaldsson et autres c. Suède, no 75252/01 rendue en 2007 par la Cour européenne des droits de l’homme) et dans tous les États américains (voir notamment la décision Communications Workers of America v. Beck rendue en 1988 par la Cour suprême américaine).
De même, l’adhésion syndicale obligatoire a été invalidée tant dans le Conseil de l’Europe (voir la décision Sørensen et Rasmussen c. Danemark, nos 52562/99 et 52620/99 rendue en 2006) ainsi que dans tous les États américains (voir par exemple les décisions NLRB v. General Motors Corp. de 1963 et Pattern Makers’ League v. NLRB de 1985), contrairement à ce que M. Morin prétend.
Que les clauses d’adhésion syndicale obligatoire aient été « acceptées » par la partie patronale – souvent à la suite de moyens de pression considérables rendus disponibles par un Code du travail qui a un parti pris manifeste envers la syndicalisation – ne les rend pas plus acceptables pour les travailleurs lésés. C’est la loi qui a la responsabilité de protéger la liberté individuelle des travailleurs et non la partie patronale.
Le fait que plusieurs régimes de relations de travail européens comportent de grandes différences avec le régime québécois est une évidence. Toutefois, ces différences sont accessoires dans le débat présent, qui concerne la liberté de choix du travailleur.
Je répète ma question : pourquoi M. Morin tient-il tant à forcer les travailleurs à devenir membres d’un syndicat et à financer ses activités politiques et idéologiques?
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’Institut économique de Montréal.