L’ennemi des femmes
Depuis mardi et jusqu’au 17 octobre se déroule la «Marche mondiale des femmes» (MMF) organisée par la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Six jours d’activités et de marches au cours desquels les militantes dénonceront la situation des femmes et se mobiliseront pour lutter contre la pauvreté, la discrimination, l’oppression, la marginalisation et l’exclusion, dont la gent féminine serait victime. Six jours pour présenter leur vision féministe de la société et les moyens à prendre pour permettre aux femmes d’atteindre l’autonomie financière.
Bien qu’il s’agisse souvent de lieux communs, les objectifs énoncés par la FFQ n’en sont pas moins louables et universellement cautionnés. En revanche, les raisons invoquées pour expliquer la situation de certaines femmes, tout comme les solutions proposées, font sursauter.
Dans son Cahier des revendications 2010, la FFQ affirme que «la pauvreté des femmes et le manque d’autonomie économique découlent de choix politiques et économiques que nous effectuons chaque jour en tant que société», une société qu’elle qualifie de patriarcale et d’oppressante. En guise de solution, la FFQ décrète une série de droits fondamentaux (droit à l’éducation, au logement, au meilleur état de santé possible, à des services sociaux, au travail, à la sécurité économique, à un environnement sain, etc.) pour lesquels elle réclame systématiquement l’intervention du gouvernement, notamment pour hausser le salaire minimum et réformer l’aide sociale de manière à supprimer les catégories «apte» et «inapte» à l’emploi.
En somme, pour la FFM, c’est la société qui cause la pauvreté des femmes et c’est à l’État qu’incombe la responsabilité d’améliorer leur sort. La FFM se dit féministe. Or, aussi bien son diagnostic que ses revendications vont à l’encontre de l’émancipation de la femme. Elle déclare militer pour la liberté, mais elle encourage la dépendance.
Question de responsabilité
En effet, il n’y a jamais de liberté sans responsabilité individuelle. R-E-S-P-O-N-SAB-I-L-I-T-É ! Or, tandis que la responsabilité de l’État et de la société est maintes fois invoquée dans le Cahier de revendications de 59 pages, l’importance de celle des femmes elles-mêmes n’est pas soulignée. Au contraire, le discours de la FFM déresponsabilise la femme en faisant d’elle une victime impuissante d’un environnement hostile à son bien-être, et en subordonnant la satisfaction de ses besoins à la générosité des programmes sociaux.
Les mouvements féministes se sont battus pour permettre aux femmes de s’affranchir de leur père et de leur époux. Mais leurs actions n’en sont pas pour autant émancipatrices. Jadis, nos grandsmères étaient financièrement dépendantes de leur mari. Aujourd’hui, la FFQ préconise des mesures pour les rendre dépendantes de l’État. L’émancipation, la vraie, consiste à apprendre à ne dépendre de personne et non à remplacer un pourvoyeur par un autre. L’autonomie consiste à se prendre en charge et non à demander d’être entretenu par la société!
En associant l’autonomie financière aux largesses de l’État, le féminisme, tel que mis de l’avant par la FFQ, est l’ennemi des femmes. Il est démoralisateur et avilissant, car ce n’est pas aider les femmes que de leur apprendre à mendier leur subsistance auprès des fonctionnaires. Au contraire, il faut leur dire que leur situation n’est pas un accident et qu’il n’en tient qu’à elles de réaliser leurs rêves, car elles sont maîtres de leur destin. Il faut leur dire qu’elles sont capables d’accéder aux plus hauts échelons de la société et qu’elles n’ont de limites que celles qu’elles s’imposent.
La FFM a pour slogan «Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous serons en marche!» Vu la nature des revendications de ce collectif, les militantes risquent de marcher encore longtemps!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.