A-t-on besoin d’un dictateur?
C’est mon plus beau souvenir d’université: mon professeur socialiste commence à vanter aux étudiants le modèle cubain en le comparant au méchant système américain. Prenant mon courage à deux mains, je demande la parole et pose la question qui tue: «Mais… dans quelle direction vont les radeaux?»
Les barques de fortune – faites de vieux pneus et de planches usées – qui foncent dans les eaux dangereuses séparant Cuba de la Floride, vont dans une seule direction: le Nord. Jamais l’inverse. Depuis que Fidel Castro a pris le pouvoir, plus d’un million de Cubains ont abandonné leur famille et risqué leur vie, s’épuisant à ramer pendant 20 jours sur ces minuscules embarcations, pour fuir le régime communiste. Des milliers d’hommes et femmes ont péri, engloutis par l’océan.
Je n’ai pas souvenir de la réponse de mon professeur, mais depuis une semaine, le débat est officiellement clos. Le «modèle cubain ne marche même plus pour nous», a confié Castro lui-même à un journaliste. Le régime va congédier 500 000 employés du gouvernement d’ici le mois de mars. Cuba veut dégraisser l’État pour stimuler la productivité anémique dans ce pays où la bureaucratie sévit partout. On veut plus d’initiative individuelle, et plus d’entrepreneurs.
Pendant longtemps, Cuba a profité du soutien financier de l’Union soviétique – environ 5 G$ par année. Mais quand l’URSS s’est effondrée au début des années 1990, les Cubains ont vite constaté les ratés du système communiste. Castro préférait blâmer les États-Unis, qui interdisent à ses citoyens de commercer avec Cuba. Mais l’impact de l’embargo est minime. Après tout, Castro est libre de transiger avec tous les autres pays du monde.
Quel lien avec le Québec? Cette affirmation: «Le gouvernement doit cesser de maintenir des entreprises, des services et des secteurs de l’économie qui perdent de l’argent tout en versant des salaires démesurés.» Qui a dit ça? L’Institut économique de Montréal? Non. Le syndicat des travailleurs cubains!
Belle ironie. Pendant qu’au Québec notre gouvernement s’enfonce dans les dettes, augmente chaque année le nombre de bureaucrates et subventionne tout ce qui bouge, Cuba la communiste dégraisse sa fonction publique et exige plus de productivité.
Fidel Castro a lancé la révolution cubaine en 1959. Aujourd’hui, devant les ratés du système, «el Comandante» possède assez de lucidité, et de poigne, pour remettre en cause le modèle cubain. Des politiciens québécois ont lancé la révolution bureaucratique (pardon, tranquille) un an après Castro, en 1960. Chez nous, quel politicien a le courage de remettre en cause le modèle québécois, qui nous entraîne aussi, tranquillement, vers le mur?
Quand c’est rendu qu’un dictateur vieillissant nous fait la leçon…
David Descôteaux est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.