L’envers de la médaille
Pour la plupart d’entre nous, la fête du Travail marque la fin des vacances et constitue probablement la dernière occasion de plonger dans la piscine ou d’allumer le BBQ. Pourtant, cette célébration annuelle représente bien plus qu’une simple trêve.
La fête du Travail tire son origine de la première manifestation ouvrière d’envergure en faveur de la réduction de la durée d’une journée de travail, organisée en avril 1872 par la Toronto Trades Assembly (la première centrale syndicale au Canada). Pour le mouvement, cette initiative marque un tournant historique en faveur des droits des travailleurs et sera imitée par les États-Unis, en 1882, et par la France, en 1889. Puis, en juillet 1894, le Canada adopte une loi officialisant la fête du Travail. Depuis, elle est l’expression de la solidarité ouvrière et la célébration des victoires remportées par le mouvement syndical. Quand ils sont apparus au 19e siècle, les syndicats avaient pour vocation de représenter les travailleurs auprès de leurs employeurs. Leur rôle était parfaitement légitime, non seulement en raison du contexte économique de l’époque, mais aussi parce que (1) l’appartenance à un syndicat était volontaire; (2) que ces organisations représentaient uniquement leurs membres; et (3) qu’elles ne réclamaient pas l’octroi de privilèges de l’État.
Aujourd’hui, et depuis fort longtemps, les syndicats outrepassent leur mandat initial. Bien que leurs chefs ne soient pas élus par la population, ils interviennent régulièrement pour influencer les partis politiques et faire du lobbying auprès des gouvernements dans le but d’obtenir des mesures et des lois qui concernent non seulement les syndiqués, mais l’ensemble des Québécois et toutes les sphères de la vie économique: salaire minimum, assurance emploi, garderies subventionnées, finances publiques, frais de scolarité, logement, question nationale, etc. Certes, la pression syndicale a permis de créer une panoplie de droits garantis par l’État. Des droits que l’État doit évidemment financer par l’entremise des taxes et impôts. Or, toute forme d’imposition présente des effets pervers.
Un cadeau emploisonné
Le premier est bien connu: plus la fiscalité s’alourdit, plus se creuse l’écart entre la rémunération que le travail leur mérite compte tenu de sa productivité et de ses aptitudes, et ce qu’il est en droit de rapporter à la maison. Grâce aux «cadeaux» des syndicats, les travailleurs voient donc leur revenu net réduit pour des mesures qu’ils n’ont pas souhaitées et dont plusieurs ne bénéficient même pas.
Le deuxième effet pervers est lié aux multiples taxes sur la masse salariale qui viennent gonfler le coût total de la main-d’oeuvre. On estime qu’un salaire de 40 000 $ représente dans les faits une dépense de 45 831 $ pour l’employeur. Celui-ci doit donc supporter des taxes équivalentes à 14,6% du salaire offert. Or, plus le travailleur coûte cher, moins l’entreprise embauche, et plus elle augmente le prix des biens et services qu’elle offre. Finalement, plus le fardeau fiscal de l’entreprise est élevé, moins elle dispose de fonds pour l’achat de capital physique, lequel est pourtant essentiel aux améliorations de la productivité et à l’enrichissement collectif. Le mouvement syndical a toujours fanfaronné que la fête du Travail symbolise ses luttes et ses succès. En revanche, il cache que les «progrès sociaux» dont il s’enorgueillit sont en réalité payés à même la poche des travailleurs et au détriment d’un niveau de vie et d’une prospérité en rapport avec notre potentiel.
Individuellement et collectivement, nous faisons les frais des victoires syndicales. Voilà de quoi méditer lors du congé de lundi prochain!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.