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Textes d'opinion

Pour en finir avec les plans de relance

À l’heure où les États-Unis s’interrogent à propos des solutions visant à contrer un taux de chômage qui dépasse les 10% – le président Obama a convoqué un «sommet sur l’emploi» jeudi dernier -, de notre côté de la frontière, des consultations du ministère des Finances en prévision du prochain budget fédéral auront lieu le 11 décembre à Québec. Le ministre Jim Flaherty a déjà annoncé qu’il n’avait pas l’intention d’engager de nouvelles dépenses gouvernementales censées relancer l’économie. Cette position est la bonne: le retour à l’équilibre budgétaire, l’avancement du libre-échange et la réduction globale du fardeau fiscal à long terme doivent dès maintenant devenir les priorités du gouvernement. Le ministre doit donc résister aux appels à l’aide des nombreux groupes qui viendront quémander des fonds sans se soucier de l’état des finances publiques.

De façon générale, les gouvernements devraient concentrer leurs efforts sur le rétablissement de la confiance des consommateurs et des investisseurs et sur le développement des conditions favorables au bon fonctionnement des marchés, plutôt qu’intervenir directement au sein de l’économie. C’est la conclusion d’un cahier de recherche de l’Institut économique de Montréal dans lequel je traite de la crise économique et de ses conséquences sur l’emploi. J’ai analysé en particulier le marché du travail américain à partir de données du Bureau of Labor Statistics.

Impact presqu’insignifiant…

On oublie souvent que les données sur la création et les pertes d’emplois que nous lisons dans les journaux sont exprimées sur une base nette. Quand on évalue la dynamique des emplois et des établissements créés et perdus en termes bruts, le portrait de la crise économique prend un tout autre visage. En effet, malgré les nombreux emplois perdus pendant la récession, il faut noter que des millions d’emplois ont aussi été créés dans le secteur privé américain lors de ces mois difficiles. Plus de sept millions d’emplois ont été créés en moyenne par trimestre, pour les quatre derniers trimestres disponibles au moment de la préparation de l’étude (du quatrième trimestre de 2007 au troisième trimestre de 2008).

Quand on compare ces données avec le nombre d’emplois créés ou sauvegardés par le plan de relance du gouvernement américain, qui selon la Maison Blanche se chiffrerait après deux trimestres à environ 650 000, on ne peut que constater la relative insignifiance de ce nombre par rapport à la création brute d’emplois dans le secteur privé. De plus, plusieurs intervenants suggèrent que cette estimation des effets du plan de relance est généreuse, car les règles pour calculer les emplois sont plutôt nébuleuses et favorisent une surestimation des emplois prétendument créés ou sauvegardés. Rappelons que le coût des mesures adoptées en février 2009 par le Congrès américain est estimé à 787 milliards de dollars.

Par ailleurs, si pendant les périodes de croissance davantage d’emplois sont créés que perdus, des millions d’emplois disparaissent tout de même chaque trimestre. Pour les 65 trimestres allant du troisième trimestre de 1992 au troisième trimestre de 2008, chaque emploi net créé provenait en réalité de 21 emplois créés et de 20 emplois perdus, ce qui a mené à une forte croissance du marché du travail aux États-Unis. Parallèlement, chaque nouvel établissement ouvert au net par les entreprises privées américaines découlait en fait de 19 ouvertures et de 18 fermetures. Les économistes appellent ce processus la «destruction créatrice».

Effet tardif et improvisation

En réaction à la récession, les gouvernements ont gonflé leurs déficits pour tenter de stimuler l’économie. Malheureusement, les effets bénéfiques présumés de ces politiques de «plans de relance» n’arrivent habituellement que trop tard. Qui plus est, le caractère improvisé du bouquet des mesures proposées risque également de générer beaucoup de gaspillage et des incitations néfastes en amenant les entreprises à s’occuper davantage de leurs représentants politiques que de leursmarchés.

En temps de récession comme en temps de croissance, une stratégie de déficit budgétaire, de protectionnisme et de subventions à tout vent ne peut que faire plus de mal que de bien. Les déficits devront d’une manière ou d’une autre être financés et éventuellement remboursés. De plus, ils consomment des ressources réelles importantes qui sont canalisées dans des programmes dont la rentabilité n’existe souvent que sur papier.

L’élimination des déficits gouvernementaux chroniques au milieu des années 1990 a permis au Canada d’améliorer sa situation économique par rapport à celle des autres pays développés. Compte tenu des effets discutables des plans de relance et de leur coût important, le gouvernement fédéral devrait s’engager fermement à ne pas les bonifier et à revenir à l’équilibre budgétaire aussitôt que possible.

Marcel Boyer est économiste principal à l’Institut économique de Montréal et professeur émérite de sciences économiques à l’Université de Montréal.

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