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Textes d'opinion

L’Eau du Nord : Un projet qui mérite d’être étudié sérieusement

Article publié exclusivement sur le site de l’IEDM.

Dans son texte attaquant les interventions récentes de l’Institut économique de Montréal sur la question de l’eau («Le mythe de l’eau inépuisable», cyberpresse.ca, 8 octobre), M. Clifford Lincoln se méprend sur plusieurs points.

Tout d’abord, il est évident que la prémisse de notre dernière étude n’est pas, contrairement aux affirmations de M. Lincoln, le «mythe de l’eau inépuisable». Au contraire, c’est justement parce que l’eau est une ressource relativement rare et de plus en plus difficile à obtenir par rapport à la demande croissante qu’il faut tenter de la gérer de la façon la plus optimale possible.

On n’aurait pas besoin de chercher à mieux exploiter une ressource inépuisable. Au contraire, dans la situation actuelle, il faut toujours faire un arbitrage entre les différentes options possibles. Et notre objectif est justement de mettre sur la table une option additionnelle dans une perspective de profitabilité financière, de faisabilité technologique et de durabilité environnementale.

M. Lincoln fait un amalgame entre le projet d’Eau du nord proposé par notre chercheur Pierre Gingras et celui de «Grand Canal» dont on parlait quand il était ministre dans les années 1980. Les deux projets sont pourtant diamétralement opposés.

Nous sommes tout à fait d’accord avec M. Lincoln pour dire que le projet de Grand Canal était totalement irréaliste à cause de son ampleur pharaonienne et de ses coûts gigantesques. C’est d’ailleurs ce qui est écrit dans les premières lignes de notre Note économique. Notre objectif était de démontrer qu’on peut débattre de cette question sur des bases beaucoup plus réalistes, ce qui était impossible jusqu’à maintenant, le projet de Grand Canal étant le seul sur la table.

Ce réalisme ne semble toutefois pas satisfaire davantage M. Lincoln, qui ridiculise le fait que «l’attrait central de ce genre de projet est toujours le gain et les milliards qu’il fait miroiter». Compte tenu des sommes considérables que les gouvernements ont engloutis ces dernières décennies dans différents éléphants blancs, peut-être n’est-il pas superflu de s’assurer, surtout en ces temps de crise budgétaire, de la rentabilité d’un projet quand on en propose un. Si nous ne l’avions pas fait, on nous accuserait du contraire.

D’une façon ou d’une autre, il en coûtera des milliards pour assurer à la population nord-américaine un accès à l’eau potable au cours des prochaines décennies. Se mettre la tête dans le sable ne fera pas disparaître la problématique ni les coûts importants reliés à ce besoin essentiel.

Les eaux de crue des rivières du bassin de la Baie James vont grossir le volume des mers, alors même qu’on craint une hausse du niveau de ces mers dans les décennies qui viennent. Pendant ce temps, le niveau des Grands Lacs et du St-Laurent diminuent, non pas à cause de la surexploitation comme le laisse entendre M. Lincoln, mais pour des raisons encore mal comprises qui pourraient avoir trait aux changements climatiques. Préfère-t-on examiner une solution à ces deux problèmes ou simplement laisser les choses empirer?

M. Lincoln nous accuse de favoriser le court terme aux dépens de long terme. La recommandation principale de l’IEDM dans ce dossier est pourtant on ne peut plus responsable. Nous demandons simplement une ouverture d’esprit de tous les intervenants dans un dossier qui pourrait avoir un impact important pour la prospérité future du Québec, ainsi que la tenue d’une étude indépendante pour valider ou non le projet de notre chercheur.

Est-ce trop demander aux pouvoirs publics de bien soupeser le pour et le contre avant qu’ils se prononcent contre le projet «de façon catégorique» comme le souhaite M. Lincoln?

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’Institut économique de Montréal.

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