Briller sans subvention
Un après-midi de septembre, 172 étudiants de l’UQAM tournent un vidéoclip qui fera parler d’eux partout dans le monde. En une seule prise, la caméra nous promène dans les corridors de l’université, au rythme festif de la chanson I Gotta Feeling, des Black Eyed Peas. À chaque tournant, des étudiants dansent, chantent, rient. La synchronisation est parfaite. Un million d’internautes visionnent le clip sur YouTube. Brésiliens, Polonais, Australiens… Même CNN en parle!
«Ça a juste coûté 200 $! Pour les accessoires, et louer le studio de l’UQAM», dit au bout du fil Luc-Olivier Cloutier, réalisateur. Les étudiants ont payé.
Nos jeunes font rayonner le talent québécois. Bravo! Encore mieux: sans subventions. Un exploit. Car si on se fie au discours dominant au Québec, sans aide de l’État, pas de création. Coupez les subventions culturelles, et les artistes finissent tous au McDo. Ce discours insulte le talent, la créativité et la débrouillardise des Québécois. Il manque aussi le bateau, en occultant le rôle des technologies dans la diffusion des œuvres artistiques.
Alexandre Belliard a financé son premier album, Piège à con, avec l’aide de sa famille et d’amis. Le cinéaste Denis Villeneuve a réalisé son prisé Next Floor grâce à une mécène, sans soutien de l’État. Les membres du groupe de rock lyrique Hôtel Morphée, demi-finalistes aux Francouvertes, payent locaux et instruments avec les revenus de leurs spectacles et leur commanditaire, Guitares Godin. «On se débrouille très bien sans subventions», dit Stéphane Lemieux, batteur du groupe et portier au St-Sulpice.
Qu’ont en commun ces artistes? Le talent. Mais aussi, la technologie: un sous-produit – horreur! – du capitalisme. Le caméscope personnel, le baladeur mp3 et YouTube sont des produits de l’entreprise privée, pas des subventions gouvernementales. Tout comme les réseaux sociaux de l’internet. «Notre marketing ne coûte rien, dit Stéphane Lemieux. On a des pages MySpace et Facebook, où on affiche nos spectacles et des liens vers nos chansons.» Hôtel Morphée vient d’envoyer quatre de ses chansons sur le site Internet iTunes. «On va recevoir près de 90 sous par chanson téléchargée!»
Les subventions ne créent pas le talent. Et deviennent de moins en moins utiles pour le diffuser. La technologie fait beaucoup mieux. Cessons d’infantiliser nos créateurs en les dépeignant comme des assistés sociaux. Les Québécois n’ont jamais eu autant d’occasions de percer les marchés et les frontières. Ils le doivent à leur créativité, et à celle de milliers d’entrepreneurs. Pas aux subventions.
David Descôteaux est économiste à l’Institut économique de Montréal.